Avec ce premier livre de Fred Dompierre, Presque 39 ans, bientôt 100, roman aux effluves autobiographiques, les lecteurs se sentent en terrain connu, retrouvant le thème des Québécois qui badaudent çà et là, aliénés par une société qui ne leur appartient pas. Un peu à la Guillaume Vigneault, l’auteur, par l’intermédiaire de son protagoniste, témoigne d’un pessimisme outrancier et d’une mauvaise foi intraitable, résultats du mal-être que provoquent des années de dépression. Le personnage principal, qui se laisse presque noyer par la désillusion, erre aussi dans les mêmes sentiers que les héros des romans de Stéphane Bourguignon. Chez Dompierre, chaque détail du quotidien devient un petit bout de malheur. Néanmoins, pour apaiser le vide intérieur qui l’accable, il y a toujours les femmes qui coulent en lui comme le gin tonic, la même solution qu’aura aussi empruntée le personnage de Marie-Sissi Labrèche dans Borderline. Malgré l’essoufflement de la question identitaire dans la littérature québécoise, ce récit propose des anecdotes légères aux couleurs de journal intime, teintées de dérision, ce qui fait sourire ou exaspère le lecteur. L’écrivain ramène tout à la plus simple expression avec une lucidité surprenante et originale qui suscite indéniablement une réaction forte. Un langage panaché, strié d’images et de comparaisons déroutantes qui trouvent leur raison d’être dans un soliloque défaitiste, anime le récit et interpelle le lecteur sur le bonheur, et à beaucoup plus petite échelle, sur le succès, le passé, le sexe, les médias, la restauration rapide, les animaux de compagnie, les balades en voiture… Un livre d’ambiance où une perception masculine et critique de la vie envahit les pensées confortables d’un profond questionnement existentiel. Avec une écriture à la fois drôle et exigeante et un récit simple et efficace, Fred Dompierre s’inscrit maintenant, à sa manière, dans la vague d’auteurs québécois populaires qui mettent en scène des personnages qui ont un sempiternel mal de vivre.