C’est à Gabrielle Rubin, membre de la Société psychanalytique de Paris, que l’on doit Le roman familial de Freud publié en 2002 également chez Payot. Outre cet intéressant ouvrage, qui tient à la fois de la biographie et de l’enquête, Rubin s’intéresse notamment au deuil (Cannibalisme psychique et obésité, Travail du deuil, travail de vie) et au sadomasochisme (Le sadomasochisme ordinaire, Les mères trop bonnes). Dans son dernier livre, elle évoque un type particulier de couple sadomasochiste, celui qu’instaurent parfois le don et sa contrepartie, la dette.
S’inspirant des travaux de Marcel Mauss, l’un des pères de l’ethnologie et de l’anthropologie, Gabrielle Rubin traite ici de l’échange, mode de relation privilégié chez l’humain, lequel prend forme dans le don (le cadeau) et, donc, la dette puisque sur le plan individuel, à l’instar des coutumes des tribus, des clans et d’autres formes de communautés, « un don ne s’évapore pas sans laisser de trace et parce que tout don crée une dette, il faut que la dette soit apurée sous peine de conséquences pénibles et même, parfois, dramatiques ».
Rubin constate qu’il existe plusieurs types de dettes : les dettes niées ou refoulées, les dettes minimisées, les intarissables et les négatives. Elle définit fort bien les modes de relation auquel chaque type de dette donne lieu et fait appel à des cas cliniques pour les illustrer de même qu’à des exemples littéraires qui les éclairent fort bien (Le voyage de Monsieur Perrichon d’Eugène Labiche, Mars de Fritz Zorn) et à un cas extrême, celui d’un violeur et tueur en série, Guy George (matricide déplacé).
Cet ouvrage fournit des exemples éclairants de rapports dysfonctionnels induits par des dettes affectives sous ou surévaluées, qu’il s’agisse de relations mère ou père-enfant, patron-employé ou de relations amicales. Se sentir en dette n’est pas un état agréable, mais la reconnaissance et l’évaluation de la dette ne sont pas chose aisée l’expression quotidienne des conséquences des dettes non apurées en témoigne.