Finaliste au prix Saint-Pacôme (2011), Guillaume Lapierre-Desnoyers fait une entrée remarquée dans la planète polar avec son roman Pour ne pas mourir ce soir. Des débuts qui rappellent ceux, fougueux, de Benoît Bouthillette en 2005 avec La trace de l’escargot : sans bouleverser les codes du roman noir, ces premières œuvres permettent le déploiement d’écritures à la fois denses et libres. Même style nerveux, même humour caustique.
Ce récit progresse au rythme des assignations nocturnes de Carl White, photojournaliste au quotidien Le Jour. Alors que la ville dort, l’artiste déchu est appelé à couvrir accidents de la route et crimes sordides. La nécessité professionnelle sert alors de prétexte à la description du métier de photographe et des rouages des médias à grand tirage. Lors d’un mandat, il fait la rencontre de la talentueuse Tania Ficanemo, qui exerce les mêmes fonctions au journal L’Express. S’installera une rivalité obsessionnelle entre la belle Tania et le narcissique Carl.
Le caractère échevelé des réflexions de Carl White tend à diluer la force du propos. L’impression qu’on cherche par les digressions nombreuses du personnage à masquer une certaine minceur de contenu nous gagne à un certain point. Or après avoir tourné en rond quelque temps, l’histoire finit enfin par trouver son rythme. En appuyant sur le déclic de leur appareil photo, Carl et Tania mettent le doigt dans un engrenage criminel dont ils ne soupçonnent la portée. Assis bien malgré eux aux premières loges du théâtre improvisé de plusieurs exécutions violentes – dont celle du ministre de la Justice –, ils ne pourront s’en remettre à qui que ce soit, et devront tout miser sur leur nouvelle alliance forcée pour mener l’enquête et échapper à la sérieuse menace qui pèse sur leur vie. Bande de motards criminalisés et ripoux de deuxième zone ne leur feront pas de quartier…
Pour ne pas mourir ce soir n’a décidément pas volé sa nomination au prix Saint-Pacôme 2011 : une première œuvre dont le succès repose en bonne partie sur la profondeur de la plongée impudique dans la tête tourmentée de Carl White. La trame, conventionnelle, offre peu d’originalité, mais l’intérêt de cette première œuvre réside plutôt dans le style vif, énergique malgré ses excès, de Guillaume Lapierre-Desnoyers.