Histoire sacrée des Mayas quichés, le Popol Vuh figure parmi les grands textes religieux du patrimoine universel. Sa transmission a toutefois passé par de nombreux écueils, de sorte que les incertitudes à son sujet sont aussi nombreuses qu’à propos des civilisations précolombiennes. La source, tout d’abord, est indirecte : ce sont les traductions en latin et en espagnol du missionnaire Francisco Ximénez, réalisées à l’aube du XVIIIe siècle, qui depuis longtemps tiennent lieu d’originaux, les manuscrits mayas ayant sans exception tous disparus.
Pierre DesRuisseaux, qui a aussi édité des poèmes des Amérindiens du Nord-Est, avait déjà traduit le Popol Vuh en 1987, en collaboration avec Daisy Amaya. Depuis, profitant de leurs nombreux séjours au Mexique, ils ont relu les manuscrits en actualisant profondément leur perception du texte, d’où cette nouvelle traduction.
Malgré la très bonne mise en contexte qui occupe le début de l’ouvrage, il faut un effort considérable pour appréhender le récit maya, qui mélange les genres et emprunte une logique manifestement différente de la nôtre. « Dans le Pop Wooh, explique Pierre DesRuisseaux, le mythe se confond avec l’histoire ; il n’y a aucune coupure, aucune disparité entre ces deux réalités : la culture se confond avec l’histoire tout autant que l’histoire se fond à la culture ; toutes les deux se déroulent sans discontinuité, sans rupture, marquant les étapes successives du développement de l’humanité. » L’histoire du peuple maya se veut donc celle de l’univers en général, genèse qui passe par quatre créations successives. L’élaboration de prototypes imparfaits, les déluges et les destructions figurent parmi les étapes tumultueuses d’un processus qui nous renvoie autant à des mythes connus qu’aux premières spéculations sur les origines de la vie.
Il semble cependant essentiel d’accompagner la lecture de ce récit touffu, tissé de répétitions et d’allusions, d’études critiques autour de la civilisation qui l’a engendré. La présente édition, tout en fournissant de nombreux repères, évite une trop grande érudition, misant en premier lieu sur la diffusion d’une œuvre qui perpétue l’intérêt pour une sphère absolument précieuse du grand puzzle américain.