Alors que la plupart des discours sociologiques, philosophiques et ceux qui portent sur l’économie peinent à faire émerger de nouveaux projets de société mobilisateurs, une réflexion semble s’imposer. Il apparaît crucial de repenser la problématique identitaire en examinant les liens qu’elle noue entre l’individuel et le collectif. Comme le note Jean-Philippe Uzel, la notion même de « communauté » suscite les plus grandes réserves chez de nombreux philosophes, tant ce terme apparaît investi de connotations suspectes. Pourtant, rappelle Pierre Ouellet, l’étymologie du mot « communauté » ne renvoie pas à l’idée d’appartenance, mais plutôt à celle de don ou de dette à l’égard des autres.
Est-il possible de concevoir de nouveaux modes de vie en commun qui ne reposent pas sur des idéologies ou des systèmes de valeurs (politiques, religieux, etc.) ? C’est l’une des questions auxquelles s’intéresse Jacques Rancière, pour qui l’art et la littérature élaborent des formes de socialité inédites, fondées sur le « partage du sensible ». Plusieurs articles tentent d’en rendre compte, en étudiant notamment l’œuvre d’écrivains aussi singuliers que Valère Novarina, Antoine Volodine ou Pierre Guyotat.
Les attentats de septembre 2001 ayant brusquement révélé l’urgence de ce type de réflexion, on lit avec un intérêt particulier la contribution de Catherine Mavrikakis consacrée au « devenir autre » de John Walker Lindh, cet Américain blanc parti grossir les rangs des Talibans en Afghanistan.
Bien que la lecture de certains textes de Politique de la parole se révèle exigeante, on ne peut qu’encourager de telles initiatives et saluer le travail des auteurs.