Pour concocter les 22 courts récits qui composent Poisons en fleurs, Claudine Dugué semble avoir fouiné dans le grenier de la littérature duquel elle a tiré des thèmes quelque peu défraîchis, comme la bouteille à la mer, le chant des sirènes, les romanichels, l’amour sentimental Ajoutons à cela un petit côté espiègle, une abondance d’onomatopées, un peu de fantastique, quelques mots polissons et un style appliqué, scolaire, qui sent trop la recherche, et l’on se dit que, ma foi, ce livre de contes de fées et de mauvais garnements siérait bien à la littérature jeunesse, même avec ces quelques passages où sont évoqués l’inceste, le viol et autres sujets délicats.
On trouve de tout dans Poisons en fleurs : les jusquiames succèdent aux bouquets d’amaryllis, la lingerie de dentelle côtoie le pantalon de feutrine, une bague au passé mythique cède la place à un volubile pinceau de portraitiste et, alors que des jumelles se transforment en fille unique, un vieil homme se met à rajeunir Et ce n’est là qu’un choix bien sommaire effectué dans la collection de curiosités de Claudine Dugué.
Voilà donc une auteure à l’imagination fertile et au vocabulaire abondant qui mène ses lecteurs en des contrées tantôt familières, tantôt exotiques : tandis qu’au Tchad « [l]es chameaux baraquent, laissant descendre des hommes enturbannés de leur chèche [ ] », en Nouvelle-Écosse Frank bûche sur une lettre d’amour : « J’ai froissé une trentaine de brouillons, annoté, biffé des passages entiers, interrogé Robert le Petit savant, mais les mots se sont effarouchés sous ma plume ; s’est imposée à la place, la respiration des poèmes japonais ».
Mais devant tout ce bazar, cet exercice de style périlleux, certains lecteurs, dont je suis, risquent d’être un peu perplexes à moins que ce livre, comme le premier titre de l’auteure, Le petit train de nuit, n’ait été destiné à un jeune public ?