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Mode lecture zen

NUIT BLANCHE

De deux choses l’une : ou bien Point Oméga fait partie de ces textes qu’il faut relire pour les apprécier pleinement, ou bien ce roman de Don DeLillo (le seizième depuis Americana en 1971) est loin d’être son meilleur. Il faut admettre qu’avec l’excellent Homme qui tombe en 2008, la barre était haute.

L’intrigue de Point Oméga tient en peu de mots. En plein désert californien (Sonora? Mojave?), Richard Elster, un universitaire à la retraite, reçoit sans enthousiasme la visite d’un jeune cinéaste, Jim Finley, qui souhaite le faire participer à un film portant sur sa collaboration avec le Pentagone pendant la guerre d’Irak. Les deux hommes sont bientôt rejoints par Jessie, la fille d’Elster, qui un jour disparaît de façon aussi impromptue qu’alarmante.

Ni fable métapolitique, ni huis clos dramatique, ni récit d’enlèvement, Point Oméga échappe à la classification. L’intérêt, on s’en doute, réside dans la prose dense, resserrée et économe qu’y déploie DeLillo de manière, d’aucuns diront, trop austère.

Deux références structurent le texte d’une façon, cependant, nettement réussie. La première est comprise dans le titre : la notion de « Point Oméga » renvoie à Teilhard de Chardin, dont DeLillo se réapproprie la pensée avec beaucoup de liberté. La seconde référence figure dans la séquence narrative en deux parties (« Anonymat ») qui ouvre et clôt le roman. Elle concerne l’exposition 24 Hour Psycho, une œuvre vidéo de Douglas Gordon, dans laquelle Psychose, le thriller classique d’Alfred Hitchcock, est projeté au ralenti dans une salle du MoMA (Museum of Modern Art). Filant la métaphore du « point aveugle », Point Oméga suscite une réflexion originale sur les actes de « voir » et de « taire ».

Si une suggestion devait être adressée à Actes Sud, ce serait celle-ci : puisque le roman de DeLillo est d’une densité considérable, il est inutile d’en rajouter au moyen d’une description énigmatique. On peut en effet lire en quatrième de couverture que Point Oméga « édicte la sidération du signe face à la langue impitoyablement étrangère que, depuis les origines, profère la matière qui donne forme à l’univers ». Pourquoi noyer le poisson ?

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