Lorsqu’on lit Michel Beaulieu, on est frappé par le naturel avec lequel il exprime la complexité. Mais naturel n’égale pas ici simplicité. Il s’agit plutôt d’une parole authentique, attachée comme par un cordon ombilical à la vérité de son émotion et à un réel que l’on pourrait appeler quotidien. Malgré une exigence qui se traduit parfois dans une économie de mots, dans une forme dense habitée par les questionnements et le doute – « une pure syntaxe de la conscience », dira Pierre Nepveu –, sa poésie parle à l’autre, très loin dans le temps et l’espace : « [O]n enlevait à chaque jour ses coquilles / il roulait au creux de la main / je te le rends parmi les éclats de lumière / […] si tu le prends ne remets jamais tes gants / il te faudrait tant et tant de temps / pour les dénuder ces mains pour les ouvrir ».
Le Noroît nous fait le bonheur de rééditer cinq recueils publiés dans la maison, tous épuisés : du superbe FM, Lettres des saisons III (1975), en passant par Anecdotes (1977), Oracle des ombres (1979), Visages (1981) jusqu’à Kaléidoscope ou Les aléas du corps grave (1984). L’éditeur avait déjà fait paraître, en 2001, dans la même collection « Ovale », Fuseaux, Poèmes choisis. Depuis sa mort en 1985, combien de poètes se sont réclamés de lui, combien d’exergues proviennent de son œuvre ?
Un bonheur donc, qui ne va pas sans souffrance, la beauté du verbe disant bien souvent la douleur d’être au monde. On sort d’une telle lecture empli de quelque chose d’évanescent, qui met du sens dans ce qui ne semble pas en avoir : « [J]e ne veux pas mourir en vain / sur les champs de bataille / mourir à moi-même en faisant peu de cas / de ce qui déroge à l’harmonie de vivre ».