La plupart des ouvrages consacrés à la musique rock sont édités en Angleterre ; certains sont traduits à Paris, par exemple aux éditions Le mot et le reste. Mais ici, nous avons une exclusivité, traduite et publiée à Montréal. Cette version en français, introuvable en France, n’est pas diffusée hors Québec.
Lancé il y a un demi-siècle, Dark Side of the Moon ferait assurément partie des dix albums les plus célèbres de l’histoire du rock britannique pour son climat envoûtant, sa musique planante, ses effets sonores hyperréalistes avec l’insertion de voix intrusives préenregistrées – comme si un Londonien se trouvait juste derrière nous –, et surtout sa sonorité en haute-fidélité, assez nouvelle en 1973 et perceptible dès la pulsation d’extrêmes graves qui ouvre « Speak to Me ».
Stylistiquement, Dark Side of the Moon se situe entre l’héritage du post-psychédélisme anglo-saxon du tournant des années 1970 et la musique progressive alors naissante, avec toutefois assez peu de synthétiseurs et la présence surprenante de l’orgue électrique, que l’on aurait pu croire sorti d’un autre temps, et qui semblerait peut-être contre-indiquée pour ce type de musique, plutôt avant-gardiste. La guitare électrique y est triomphante, non pas en virtuosité ou en rapidité mais en notes allongées et flamboyantes. Signe de son caractère en même temps universel et en avance sur son époque, ce disque a souvent été réédité, notamment dans des versions pour audiophiles, adapté ou transposé. Ainsi, il en existe une version a capella interprétée par une chorale (« Voices on the Dark Side »), et même une adaptation intégrale en reggae (sous le titre Dub Side of the Moon, par le groupe jamaïcain Easy Star All-Stars), commercialisée à la fois en CD et en DVD.
Initialement paru chez Thames & Hudson, le Livre officiel du 50e anniversaire relate l’enregistrement de cet album-concept et la tournée subséquente sur différentes scènes. Les paroles des chansons y figurent, en petits caractères cependant. Il montre le travail de création de la pochette, par la firme Hypnogis, qui a mené au rayon de lumière blanche traversant un prisme pyramidal et en ressortant décomposé dans les sept couleurs de l’arc-en-ciel. Les 129 photos du groupe au travail dans le studio d’Abbey Road permettront aux connaisseurs de vérifier l’équipement utilisé, notamment une basse Fender pour Roger Waters, une guitare Fender Stratocaster et une pedal steel guitar modèle Fender 1000 pour David Gilmour. Même si les quatre musiciens n’y apparaissent pas particulièrement beaux, ces photos sont représentatives du processus créatif ; ce que les images révèlent quant au choix des instruments était attesté par la sonorité de chaque pièce.
Quelques imprécisions subsistent : la pochette reproduite mentionne bien le nom de la choriste Clare Torry pour sa voix déchirante dans « The Great Gig in the Sky », mais le texte ne fait toutefois pas mention d’elle comme co-compositrice de cette pièce, même si elle a gagné le procès qu’elle avait engagé pour réclamer un supplément de redevances et des droits. Sa prestation en studio, payée au tarif syndical de surnuméraire, lui avait rapportée à l’époque un cachet fixe d’une trentaine de livres anglaises, alors que sa contribution vocale était renversante.
Visuellement, ce livre-objet est superbe, du format d’un 33 tours. On y reproduit certains extraits entendus sur le disque, captés aléatoirement çà et là, notamment les propos d’un portier déclarant qu’« il n’y a pas de côté sombre de la Lune ; en fait, tout est sombre ». Des mots – au départ – anodins, mais qui sont devenus légendaires et resteront à méditer.