Le Canada se targue d’être une société qui traite équitablement sa minorité homosexuelle. S’il est vrai que les gais et lesbiennes d’ici ont enregistré d’importants gains au chapitre de la reconnaissance de leurs droits ces dernières années, notamment en ce qui concerne le mariage, cela fait-il pour autant du Canada un éden rose ? Pas vraiment, s’il faut en croire Douglas Victor Janoff. Ce conseiller en politique auprès du gouvernement fédéral s’est consacré, pendant de nombreuses années, à l’analyse de plus de 350 cas d’agression et de 120 homicides perpétrés sur des personnes gaies et lesbiennes entre 1990 et 2004. Dans Pink blood, La violence homophobe au Canada,il nouslivre ses conclusions.
Avant toute chose, l’auteur dénonce la sous-évaluation des crimes homophobes dans les statistiques officielles ; cette sous-évaluation étant due à la répugnance des victimes à porter plainte pour ne pas avoir à afficher leur orientation sexuelle. Pour analyser la question, notre chercheur a dépouillé les archives judiciaires, compulsé les statistiques, épluché les articles de presse, rencontré des victimes, leur famille et leur entourage, des policiers et des membres de groupes communautaires. Au terme de son enquête, Janoff en arrive à la conclusion que les gais et lesbiennes qui portent plainte contre leurs agresseurs sont actuellement confrontés à une homophobie dans les organisations policières et judiciaires. Leur situation rappellerait celle des femmes dans les années 1980 à la différence que le « qu’alliez-vous faire à cet endroit, à cette heure ? » demandé aux victimes de violence homophobe a remplacé le « à quoi vous attendiez-vous accoutrée ainsi ? » infligé autrefois aux victimes de viol.
Chercheur autant que militant, Janoff ne fait pas mystère de son parti pris pour les points de vue défendus par la communauté homosexuelle pas plus qu’il ne cache les circonstances à l’origine de son projet. (Il a été scandalisé du comportement des forces policières et des acteurs du système judiciaire, à la suite d’une agression homophobe dont un ami fut victime.) Ce sont là des préalables qui ne disposent pas toujours à l’objectivité que requiert pareille étude. Ce qui gêne également, c’est le recours répété de l’auteur à des statistiques étrangères (américaines et néo-zélandaises notamment) pour appuyer ses thèses. Ces réserves faites, il faut retenir que Pink blood, La violence homophobe au Canadaest, par l’ampleur de son champ d’investigation et la richesse de ses données, un incontournable pour toutchercheur, policier, procureur et militant Suvrant auprès des communautés gaies et lesbiennes.