Savoir que Piégée est le premier tome d’une trilogie nommée Reykjavik noir fournit quand même quelques indices sur le dernier thriller de l’Islandaise Lilja Sigurdardóttir.
On devine rapidement que la passeuse de cocaïne Sonja est dans les emmerdes jusqu’au cou et qu’elle le sera sans doute longtemps.
Et cette déduction est exacte.
Attachez vos tuques et vos mitaines, il fait froid en Islande et le monde interlope des narcotrafiquants que Sonja tente de fuir donne froid dans le dos. « Ce type était une telle caricature de criminel qu’elle s’était parfois demandé s’il n’était pas en fait un acteur engagé simplement pour lui faire peur. Le crâne rasé, un cou de taureau, les poings recouverts de tatouages… » En plein divorce, elle a été piégée, en effet, et obligée de travailler pour d’horribles individus. Elle est devenue une mule entre Londres ou Copenhague et Reykjavik.
Pour obtenir la garde de son petit garçon, pour se refaire une vie décente, Sonja ne peut compter que sur elle-même ou du moins le croit-elle. Sa relation avec la torride banquière Agla est complexe, d’autant plus que la police mène à son sujet une enquête pour malversations financières. Nous sommes en 2010, le pays est plongé dans un black-out financier après la crise de 2008. Et dans un black-out tout court à la suite de l’éruption de l’Eyjafjallajökull. L’Islande et Sonja vivent des moments difficiles.
Heureusement – ou peut-être pas, sait-on jamais – il y a le douanier Bragi, un vieux professionnel qui a vu les manèges de Sonja et mis au jour sa couverture. « Une vague de satisfaction parcourut son corps. Sonja […] était loin d’être du menu fretin. » Deviendra-t-il un allié fort inattendu, lui qui a besoin d’argent pour soigner sa femme atteinte de la maladie d’Alzheimer ?
Et surtout, il y a Tómas, tellement éveillé pour son âge et si raisonnable, pris en sandwich entre son papa pervers et sa maman un peu bizarre. « Tómas sentit l’urine brûlante couler le long de sa jambe sous le pyjama avant de former une flaque par terre. […] Il fut pris d’une crise de hoquet lorsque papa l’attrapa pour le déposer dans la douche. » Quel est le futur de l’enfant ?
Les chapitres courts et la langue directe de Lilja Sigurdardóttir font de Piégée un page turner de grande qualité. Une maison de production américaine en aurait d’ailleurs déjà acquis les droits d’adaptation. L’Islande est décidément bien prolifique en polars de toutes sortes, ce qui permet d’explorer avec intérêt et curiosité ce caillou explosif situé au milieu de l’Atlantique Nord. Vivement le deuxième tome de Reykjavik noir, surtout s’il est aussi bien traduit que le premier. Un vrai plaisir !
PIÉGÉE
- Métailié,
- 2017,
- Paris
334 pages
34,95 $
Trad. de l’islandais par Jean-Christophe Salaün
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