Vous avez lu le roman de Félix Leclerc, vous avez vu le film. Voici maintenant l’album sur sa création.
Précisons-le d’entrée de jeu : ce livre intitulé Pieds nus dans l’aube. Du roman au grand écrann’est ni le roman illustré, ni un condensé, ni un scénario intégral ; il s’agit du journal de tournage de Francis Leclerc, bellement illustré, faisant écho à l’adaptation sortie en 2017. On peut apprécier cet album sans avoir vu l’œuvre à l’écran et sans connaître ce classique paru en 1946 et souvent réédité (Fides, 2017). En réalisant Pieds nus dans l’aube, le cinéaste médite sur le giron familial par l’intermédiaire de ce garçon de La Tuque qui découvrit un monde de différences et de contrastes en quittant sa maison. La candeur de cet enfant rendait son entourage attachant et insolite, en le magnifiant à l’occasion. Francis Leclerc s’inscrit résolument dans cette continuité intergénérationnelle, potentiellement universelle :« Malgré les années qui séparent nos générations, l’enfance que dépeint mon père dans son roman est sans doute plus proche de la mienne et de celle de mon fils. Mêmes valeurs peut-être, mêmes peurs, mêmes sensibilités, je me retrouve, moi, Francis, dans Félix le personnage du roman autant que je peux voir mon propre fils (Léo) à travers toutes les scènes ».
Plusieurs pages extraites du scénario ici reproduites serviront de modèle aux auteurs voulant un jour devenir scénaristes. La texture – magnifique – des photographies reproduites crée l’illusion que ces scènes furent filmées en 1927, lorsque le héros avait douze ans. Francis Leclerc explique ses choix esthétiques pour son long métrage, ayant décidé de se tourner résolument vers le Beau : « Pour le film, pourquoi ne pas ‘embellir’ aussi les choses, les événements, comme si nous étions dans la tête de Félix ? » Mieux que les dialogues, cette esthétisation est assurément la meilleure manière de transposer visuellement le lyrisme du texte romanesque, qui ne se réduit pas à une simple succession de situations ; un cinéaste doit aussi transposer le style et l’imaginaire du romancier. En ce sens, Francis Leclerc se situe dans la continuité des réalisateurs ayant une vision ennoblissante, une volonté de créer un univers visuel feutré, caractérisé par la Beauté, et non par la caricature du passé, la violence et la laideur – comme chez tant d’autres réalisateurs (pensons à la désastreuse télésérie Les Pays d’en haut, en 2016). Sans qu’il s’agisse d’influences directes, on sent chez Francis Leclerc la rigueur d’un Luchino Visconti (Le guépard) ou d’un Francis Mankiewicz (Les portes tournantes) pour la richesse des compositions des plans. Francis Leclerc déclare qu’il voudrait tourner la page, qu’il hésiterait à adapter une autre œuvre de son père. Mais en regardant son beau film et ce livre, on se demande : qui d’autre pourrait le faire aussi respectueusement ? Et avec autant de talent et de nuances ?
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