Ceux qui l’ont eu comme professeur de philosophie à l’Université Laval ou qui ont lu De la dignité humaine ou La nouvelle ignorance connaissent son étonnante érudition : maîtrisant langues anciennes et plusieurs langues modernes, nourri dans la belle tradition humaniste, Thomas De Koninck jette un coup d’œil sur notre situation spirituelle à partir des grands textes de la tradition autant occidentale qu’orientale. Cela impressionne. Peut même parfois agacer, tant les citations foisonnent. Mais « on sent que les textes cités ne sont pour lui que des exemples, des allusions inconscientes et anticipées où il aime à retrouver quelques traits de sa propre pensée ». Je cite ici De Koninck qui cite Proust qui parlait de Schopenhauer.
Qu’à cela ne tienne, il s’agit ici d’un grand livre. Même si la thèse de l’auteur ne pèche pas par excès d’originalité : la culture des lettres et la fréquentation des grands auteurs est indispensable, la démonstration, elle, éblouit. Sans pouvoir résumer tous les sujets abordés, disons qu’on y retrouve un plaidoyer en faveur de l’humanité comme vertu et du nécessaire émerveillement, surtout pendant l’enfance. En effet, si on ne s’étonne plus de rien, tout devient désespérément « normal ». Exit l’indignation. Le chapitre « Le refus de la violence et le pouvoir de la beauté » est à ce sujet fort éclairant. L’auteur y dénonce la violence banalisée et dénuée de sens du paysage télévisuel. La vérité de la télévision est de faire écran. En contrepartie, De Koninck rappelle que la lecture joue un rôle irremplaçable dans la formation de l’intelligence et de la compassion. Une nouvelle nous apprenait récemment que 41,9 % des hommes détenant un diplôme universitaire ne lisent pas ! Quel avenir nous réserve cette montée de l’illettrisme ? Pourtant, plus on monte de grade dans les grandes entreprises, moins la capacité d’effectuer des opérations techniques devient importante : on peut toujours les déléguer. Par contre, poser de bons jugements, être perspicace, intelligent et humain s’avèrent plus que jamais indispensables. Et que font d’autre les humanités et la lecture sinon nous procurer ces qualités ? La Philosophie de l’éducation : un remède contre la disette culturelle.