Le décès du père, emporté par un cancer agressif. Une mort annoncée. Se rendre compte de l’inévitable. Puis, après la mort, se souvenir, même si « les poèmes ne peuvent pas / parler en son nom ».
Délicatement, avec une infinie tendresse, Georgette LeBlanc évoque à demi-mot le parcours de son père et la mémoire qu’elle en a gardée : « Un poème n’est pas une leçon de vie, n’est même pas un récit de vie. Un poème est ce qu’il est ; une trace, une marque dans le corps ».
Débutant avec sa naissance à elle puisque « mon père / n’existait pas / avant / moi. Mon père est né en même / temps, le même jour », le livre se termine par : « Mon père est mort / il n’existe / que dans ce qu’il / était, dans ce temps / imparfait ». Entre les deux, elle dessine un portrait subjectif et amoureux de son père et de son rapport avec lui. En arrière-plan, sa mère, sa sœur et ses frères.
LeBlanc utilise un français non teinté des acadianismes de ses recueils précédents, peut-être parce que son père ne les employait que peu. De plus, elle choisit un vocabulaire simple, un style vif caractérisé par des phrases courtes ou découpées en segments et tisse le tout d’idées mises côte à côte d’une façon elliptique, ce qui n’est pas sans évoquer la façon de parler des enfants. Mais après tout, n’est-ce pas la fille qui rend hommage à son père et qui, ce faisant, se rappelle sa propre enfance ?
Chaque poème se construit autour d’un souvenir, d’une parole, d’une réflexion ou d’un constat comme celui-ci, typique de la façon dont ce recueil est écrit : « Mon père était / un des deux chefs à / la maison. L’autre, c’était / ma mère. Et pour le reste / c’était la charte / des droits et / libertés ». La fracturation des vers obéit à une rythmique musicale, peut-être dans une volonté de créer un effet de respiration très brève, un peu comme quelqu’un qui, affaibli par la maladie, a peine à trouver son souffle.
Son « père ne parlait / pas s’il n’avait vraiment rien / à dire ». Il disait l’essentiel et c’est ce que ce recueil fait : retenir l’essentiel. De petits faits qui en eux-mêmes, isolés les uns des autres, comptent pour peu, mais qui en se multipliant tracent un portrait vivant de ce père qu’elle aime et qui est mort.