Peindre à voix haute est le premier recueil de poésie de Louise Prescott, une artiste visuelle qui a à son actif un grand nombre d’expositions au Canada et à l’étranger, et dont les œuvres figurent dans plusieurs collections. C’est la deuxième fois que les Éditions d’art Le Sabord publient un ouvrage de cette peintre titulaire d’un doctorat en études et pratiques des arts. Le premier, intitulé Le complexe d’Ulysse, Signifiance et micropolitique dans la pratique de l’art, est un essai.
Dans Peindre à voix haute, Louise Prescott parle de la pratique de son art. Néanmoins, les peintres qu’elle admire font de nombreuses apparitions dans les poèmes. Comme le lecteur peut s’en rendre compte par les reproductions qui émaillent le texte, elle poursuit la quête impressionniste de la lumière, allant jusqu’à rendre hommage à Monet dans le tableau intitulé « Souvenir de Giverny », mais, dans de nombreuses toiles, son style se rapproche de l’expressionnisme abstrait. D’ailleurs, la poète a choisi de mettre en exergue une citation d’Agnès Martin qui se termine par une phrase interrogative : « Qu’est-ce que je vais faire à présent ? »
C’est la question que se pose tout peintre qui n’est ni conceptuel ni figuratif, car il ne peut s’appuyer ni sur une théorie ni sur le monde extérieur. C’est celle à laquelle Louise Prescott tente de répondre au fil des pages. Dans la première partie du livre, elle montre au lecteur « L’atelier ». Qualifié ironiquement de « mythique », celui-ci n’est en réalité qu’un « ramassis de pinceaux, de couleurs, de contenants de toutes sortes » ; « Fourchettes tordues / Plateaux à sandwichs et plaques à pizza / Tout cela traînant çà et là ». Mais ce cube blanc est le « fief d’une souveraine rebelle », une reine, armée de pinceaux, toujours prête à faire la guerre. La deuxième partie traite de ce qui est produit dans l’atelier : « Les tableaux ». S’amusant à parodier le biblique « Fiat lux », la poète s’écrie : « Que la couleur soit ! » Louise Prescott aime particulièrement le bleu ou plutôt les bleus, du cobalt au bleu de Prusse. Mais elle ne rejette aucun ton, « pas même le rose bonbon ». Elle lutte avec son art contre « les temps moroses », et les souvenirs de voyages s’invitent dans les toiles, comme le lecteur peut le constater avec les reproductions de « Torrent à Saint-Uze », « Excursion à Lalouvesc » et « Vercors ». Dans la troisième partie, « La peintre » fait son autoportrait. En guenilles, avec ses chaussures maculées, elle « préfère ne pas se voir dans le miroir ». Les tableaux « Toujours les mêmes / Jamais les mêmes » la « regardent ». Bien qu’elle ne sache pas où elle va, elle veut « que ce soit beau, vrai, juste ». Il arrive que le travail connaisse des ratés. Elle note, en Italique, comme dans un journal : « Aucune échappatoire possible », « Continuer, Continuer ». La dernière partie est consacrée à « L’autre ». Sous ce singulier se dissimulent tous les visiteurs qui regardent ses toiles. L’un cherche à identifier des formes figuratives, bonhomme, baleine, oiseau. L’autre s’intéresse au nombre d’heures de travail. L’œuvre provoque des émotions variées. Celui-ci en critique la beauté qu’il juge dépassée. Celui-là cherche à la classer dans une catégorie. Enfin, « l’autre » qui a eu le privilège d’être admis dans l’atelier l’« aime » et lui « achète un tableau ».
Écrite dans un style vivant et métaphorique, cette suite poétique fait entrer le lecteur dans l’univers coloré et vibrant de Louise Prescott, et les nombreuses illustrations lui permettent d’en avoir un excellent aperçu.
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