L’idée de connaître Peggy Roche, discrète compagne de la grande Françoise Sagan, est pour le moins alléchante. Pénétrer dans l’intimité de l’une et de l’autre, et par amante interposée suivre la célèbre romancière de plus près : voilà un projet biographique séduisant. Marie-Ève Lacasse propose tout cela et plus encore dans son roman Peggy dans les phares, car de fait, elle a surtout voulu sortir de l’ombre celle qui a accompagné Sagan pendant plus de vingt ans, de la fin des années 1960 jusqu’à sa mort en 1991.
Paris, 1968, la ville est prise de folie. À Saint-Germain-des-Prés, Sagan carbure à l’adrénaline, à l’alcool, aux stupéfiants, aux amours plurielles et complexes. Celle qui était célèbre à dix-huit ans a déjà publié ses plus beaux romans, ceux qui avaient tant ébloui : Bonjour tristesse, Un certain sourire, Dans un mois, dans un an, Aimez-vous Brahms… Désormais, la nuit et sa faune lui appartiennent et c’est alors que la rencontre des deux amantes a lieu. « Vers deux heures du matin le miracle se produit : Françoise et Peggy se retrouvent seules, délicieusement seules […] avec la certitude qu’une grande nuit commence. »
Marie-Ève Lacasse a voulu ramener dans la lumière, « dans les phares », comme elle le dit, la styliste et journaliste de mode Peggy Roche, dont le rôle auprès de Sagan demeure effacé, pour ne pas dire humiliant. « Françoise continue d’écrire la nuit, quand elle rentre des soirées où Peggy n’est pas invitée. » Celle qui élèvera le fils unique de Sagan, Denis Westhoff, ne sera d’ailleurs pas plus invitée aux soirées qu’offre chez elle le « charmant petit monstre », comme l’a surnommée François Mauriac. Pourquoi Peggy persiste-t-elle dans cette relation si peu satisfaisante, du moins ainsi apparaît-elle ?
Afin de raconter son roman d’amour et d’amours, Marie-Ève Lacasse a privilégié une structure complexe, où le lecteur se promène en allers-retours dans le temps et suit un parcours quelquefois confus. Le style et le ton discursif changent souvent, des dialogues entre les deux femmes jusqu’aux monologues du narrateur ou de la protagoniste Peggy. « Tu voudrais que je sois à tes côtés, puis que je disparaisse aussi spontanément. Je ne comprends pas toujours ce qui te convient », déclare celle qui pourtant vouvoyait Sagan en sa présence.
S’il est agréable de retrouver le foisonnant milieu artistique français des années 1970 et 1980, si les inconditionnels de Françoise Sagan apprécieront revisiter les hauts faits de sa légende, le lecteur beta restera quant à lui sur son appétit dans son désir de découvrir la belle inconnue Peggy Roche, car celle-ci demeure en filigrane. L’intention de l’auteure était noble, mais le chemin pour s’y rendre parsemé d’embûches.
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