Doté de plusieurs cordes, l’arc de Diane Vincent loge cette fois dans sa mire un monde aux abords barbelés et étroits : celui de la mode, avec ses sirènes, ses artifices, ses ego plantureux, ses jalousies, son indifférence blindée devant le regard. Lucide, Diane Vincent écrit : « La grande échasse détrempée qui avait sonné à ma porte était en fait un somptueux caméléon explorant les impénétrables terreaux du luxe ». Parmi les « sacrifices » consentis à cette fin, l’auteure cite la lecture des Elle, Vogue et autres revues immortelles ; on la croit sur parole. Diane Vincent investit cependant, cela va de soi à en juger par son parcours et ses dossiers, rigueur, qualité et clarté de la langue, aptitude à débusquer le peut-être au-delà des évidences usuelles.
Car l’analyse est fascinante. Autant il est déroutant d’envisager que les pontes de la stratégie guerrière s’intéressent à la soie ou même aux mannequins anorexiques, autant le scepticisme bat en retraite quand l’auteure évoque l’espoir d’une soie épousant à la manière du caméléon les teintes de l’environnement. Que tel laboratoire parvienne à la miraculeuse substitution d’un ver à soie caméléon à son cousin classique et voilà renvoyés à l’oubli les treillis qu’arborent les policiers en demi-grève et qui sont aussi discrets en sous-bois tropical que traîtres sur sol neigeux. Les milliards du Pentagone, de ses rivaux et de ses mercenaires n’en sont pas à une lubie près, pas plus d’ailleurs que les truands d’autres nébuleuses lucratives. L’important, pour un roman policier, c’est qu’il force le lecteur à chercher dans toutes les directions « à qui profite le crime » ; sur ce terrain, Diane Vincent marque des points en multipliant les culpabilités potentielles.
Il faut, cependant, et c’est là que réside souvent la pire difficulté, dénouer l’intrigue. On ne demande pas à un auteur d’accoucher d’un dénouement inédit dans le siècle, mais d’amener une conclusion qui soit à la fois logique, inattendue et complète. Diane Vincent s’acquitte honorablement de cette tâche. Mais encore faut-il un dévoilement d’une densité digne des tensions du récit. En l’occurrence, le dénouement manque de humpf. Le coupable fait figure de gagne-petit, de rancunier à la petite semaine, au lieu d’atteindre, comme les célébrités qui traversent l’enquête, au spectaculaire et à l’éclaboussant. La tentation est forte de voir dans ce roman étoffé et savamment construit une transition encore inachevée entre la brutalité des comportements étudiés jusqu’à maintenant par l’auteure (gros mots et radio de confrontation) et le professionnalisme patient et même terne des policiers dans leur vrai quotidien. Si cette hypothèse contient une miette de vérité, de francs plaisirs de lecture nous attendent.
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