Une femme qui a subi le Sixties Scoop(rafle des années 1960) raconte son quotidien de reporter débutante pour une chaîne de télévision.
Retirée dès sa naissance des bras d’une mère prétendument inapte à s’occuper d’elle, comme l’ont été près de 20 000 jeunes victimes autochtones de cette même rafle entre 1960 et 1980, elle revient sur les difficultés d’intégrer un milieu massivement « blanc », ainsi que sur les conséquences de ce déracinement précoce.
D’inspiration biographique, Peau d’ours, de la journaliste et poète Carol Rose Daniels, alias Sandy Lynn dans ce premier roman, aborde également, dans une langue simple, claire, journalistique, ses malheurs amoureux, ses démêlés avec l’alcool et plusieurs enjeux liés au fait d’être à la fois femme et crie dans les années 1980-1990 au Canada.
Surtout, parmi ce programme dont plusieurs pistes narratives se scellent aussi rapidement qu’elles se présentent, souvent au prix d’un effet d’éparpillement, c’est le récit d’une renaissance à la culture et à la spiritualité cries qui constitue le plus solide fil conducteur. Car bien que transplantée dans le terreau d’une famille ukrainienne aimante, Sandy n’en a pas moins, de sa jeunesse jusqu’à sa vie adulte, vécu cet héritage comme une malédiction la confinant à la haine de soi. Devenue une « pomme » au fil des ans, terme utilisé pour qualifier ces Amérindiens rouges à l’extérieur et blancs à l’intérieur, javellisés par la pression d’avoir à correspondre à la culture majoritaire, la journaliste, épaulée par son ami Kyle et le guide spirituel Joe Bush Sr, troquera sa pelure pour une peau d’ours, éminent symbole de sa reconversion.
Ce faisant, le parcours bien personnel de Sandy recoupe au passé plusieurs problématiques parlant au présent. La disparition de nombreuses prostituées autochtones à Saskatoon et le racisme endémique envers les minorités sont par exemple des sujets d’une indéniable actualité. Et ce racisme est très justement décrit dans son insidieux effet de balancier : le « Blanc » moque l’« Autochtone », qui ridiculise la « pomme », qui stigmatise en retour l’« Autochtone » dans cette ronde sans fin du mépris. Une stéréotypie sensible affleure de cette exclusion systémique. Mais le racisme, montre Carol Rose Daniels, est ainsi fait qu’il s’accommode mal des nuances : il tire sa matière profonde de la confrontation entre tous ces stéréotypes et amalgames ancrés dans les imaginaires collectifs.
PEAU D’OURS
- XYZ,
- 2018,
- Montréal
312 pages
27,95 $
Trad. de l’anglais par Sophie Cardinal-Corriveau
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