Le fait est plutôt inhabituel et mérite d’être souligné : Par la fenêtre, de Julian Barnes, est initialement paru en 2012 chez deux éditeurs londoniens, Vintage Books et Jonathan Cape, sous deux titres distincts : Through the Window et A Life with Books, la traduction française ayant repris intégralement le premier, le second livrant l’essentiel du propos du présent ouvrage. Auteur prolifique (plus de vingt livres regroupant romans, recueils de nouvelles, essais), Julian Barnes est un fin connaisseur, entre autres choses, des littératures anglaise, américaine et française, ce dont témoignent éloquemment les chroniques regroupées ici et initialement parues dans diverses publications : The Guardian, New York Review of Books, The New Yorker, London Review of Books.
« La plupart des chroniques de ce livre parlent de fiction et des formes qui lui sont associées : le poème narratif, l’essai, la traduction. Comment la forme romanesque fonctionne, ou non. » Ayant vécu dans les livres, pour les livres, par et avec les livres – avant de pouvoir vivre grâce aux livres, comme il le précise d’entrée de jeu –, Julian Barnes se révèle un lecteur aussi rigoureux que généreux. Il sait saluer avec respect les auteurs qui ont contribué à façonner son sens critique et à développer son propre champ littéraire, sans jamais se départir de l’humour typiquement british qui en rend la lecture aussi divertissante qu’instructive. Entre deux chroniques, on se sent devenir complice d’une intelligence supérieure, ce qui accroît également le plaisir. Ce dernier tient à la façon dont Barnes aborde les œuvres et les auteurs auxquels il consacre ses chroniques. Sans jamais se départir de la posture critique indispensable à l’appréciation véritable des œuvres abordées ici, l’œil et la sensibilité de l’écrivain épousent chacune d’elles de l’intérieur en prenant tout à la fois en compte l’intention de l’auteur, sa démarche et l’époque dans laquelle il se situe. Parmi les auteurs revisités par Barnes, certains contribueront à souligner sa francophilie, d’autres son érudition et, enfin, son penchant pour la moquerie et l’ironie qui caractérisent également son écriture. Il parle notamment de Rudyard Kipling, Prosper Mérimée, George Orwell, Nicolas de Chamfort, Ford Madox Ford, Félix Fénéon, Michel Houellebecq, Ernest Hemingway, Lorie Moore et John Updike. Une affection toute particulière pour ce dernier traduit sans doute une complicité littéraire.
L’ouvrage se termine sur une note personnelle, ainsi qu’il l’avait fait dans l’un de ses derniers livres, Quand tout est déjà arrivé, en relatant l’immense chagrin entraîné par la mort récente de sa conjointe. Barnes conclut à nouveau sur le sentiment de perte qui l’habite en référant cette fois à un essai de Samuel Johnson, The Proper Means of Regulating Sorrow, paru en 1750. Si le temps de suspension causé par la perte de l’être aimé est affreux, comme le souligne Johnson, on ne peut que se réjouir que Julian Barnes ait trouvé dans la voie de l’écriture une raison de vivre et de poursuivre une œuvre qui brille tout autant d’intelligence que de sensibilité.
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