Comment expliquer la fascination qu’exerce le désert sur le lecteur, sur le chercheur, sur le voyageur ou le pèlerin ? Quelles implications recèle, sur le plan de l’imaginaire collectif, cet espace vide de vie et pourtant si riche de sens ? Rachel Bouvet, qui n’en est pas à ses premiers pas dans l’étude de l’espace et du désert, propose aux lecteurs avertis (chercheurs et autres curieux déjà familiers avec certaines théories portant sur l’altérité et l’imaginaire du voyage) un périple aux confins des terres de sable sans fin où le voyageur, qu’il soit un individu réel ou le produit de quelque fiction, accepte de se lancer à la découverte du monde et s’accorde le droit d’habiter l’inconnu.
L’objet de l’ouvrage Pages de sable, Essai sur l’imaginaire du déserts’avère d’un grand intérêt pour tout amateur d’espaces extrêmes : « […] sonder les motivations profondes de la fascination pour le désert ». Pour y parvenir, Rachel Bouvet a établi un corpus s’étalant sur un siècle et demi, soit de 1856 à 1992, choisissant des romans et des nouvelles écrits par huit auteurs ayant expérimenté ou simplement imaginé le désert : Paul Bowles, Andrée Chedid, Isabelle Eberhardt, Eugène Fromentin, J.-M. G. Le Clézio, Pierre Loti, Jean Marcel et Malika Mokeddem. Par l’étude de trois figures importantes du désert, celles du nomade, de l’anachorète et du vide, l’auteure parvient à dresser un portrait concis de la représentation du désert, portrait qui nous entraîne sur les voies de la transfiguration et de la métamorphose. Les sections théoriques de l’ouvrage – qu’elles concernent par exemple la notion de paysage ou celle d’altérité – sont détaillées et appuyées de citations toujours fort éclairantes.
« [P]lutôt que d’adopter la logique binaire de l’altérité des frontières, basée sur l’opposition, ils [les auteurs analysés] choisissent d’explorer et d’habiter l’entre-deux, ces zones frontières situées entre le paganisme et le christianisme, entre la mort et la vie, entre l’humain et le divin, entre le nomadisme et l’errance, entre les cultures française et arabe. » Voilà qui situe de façon précise les « lieux » où gravitent les personnages mis en scène dans les œuvres étudiées ici. Rachel Bouvet donne envie au lecteur de découvrir cet espace où le vent, le mouvement même, est synonyme de liberté.