Pacific Bell raconte l’histoire de Sofia Lœra, animatrice d’une radio de la petite communauté de Cima plantée en plein désert des Mojaves, dont l’émission Voix du désert diffuse les conversations téléphoniques d’une cabine mythique, laissée à l’abandon depuis les années 1960, après la fin des exploitations minières, mais qui attire encore de nombreux curieux.
Tous les vendredis soirs, Sofia livre un conte, « Le sang des cactus », qu’elle adresse à son jeune fils, Adam, resté à Montréal. On comprend très vite que l’histoire d’Eco, saigneuse de cactus dans une nopalerie du Mexique, n’est autre chose qu’une mise en récit de sa propre vie sous l’emprise du Cartel du Pacifique, auquel appartient Miguel, le père d’Adam, et qui a forcé l’exil familial. C’est pour se refaire une santé dans le silence du désert, parce qu’elle dépérissait à Montréal, que Sofia a été envoyée à la station de radio, même si elle doit désormais orchestrer un trafic d’armes pour Miguel et divulguer des informations codées au moyen d’extraits de « La petite sirène ».
Pacific Bell est avant tout l’histoire d’une grande solitude dans laquelle des voix s’abîment, « tant de voix différentes, sans visages, sans corps », qui s’échappent du silence pour se fondre dans un désert aux profondeurs océaniques. Des voix qui errent au milieu de nulle part, vont et viennent de la cabine téléphonique, coulant sur « la voie hertzienne » jusqu’à ce que la ligne soit coupée à cause de la menace qu’elle représente pour l’écosystème du désert. Jusqu’à ce que Sofia « s’enlise dans ses souvenirs » et perde tout contact avec le réel.
Dans son quatrième roman, Julie Hétu met en place un dispositif complexe qui fait alterner trois niveaux de récit : celui des derniers jours de Sofia dans le désert des Mojaves qu’une voix omnisciente relate, celui de son passé à la nopalerie qu’elle narre à la radio, et celui du conte d’Andersen dont les passages sont insérés entre les chapitres. Mais l’arrimage se fait très mal, la narration a trop souvent un caractère didactique, et les différentes trames ne parviennent pas à s’incorporer dans un ensemble signifiant. Les enjeux narratifs du récit finissent par s’écrouler sous le poids d’artifices destinés à servir l’esthétique du roman, reposant essentiellement sur l’aspect symbolique de la couleur rouge au détriment de sa portée sociale et politique.
PACIFIC BELL
- Alto,
- 2018,
- Québec
141 pages
21,95 $
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