Il fallait un grand reporter comme Jonathan Randal, qui a travaillé dans le monde arabe comme correspondant du Washington Postpendant presque toute sa carrière, pour produire un document aussi fouillé et exhaustif sur le personnage probablement le plus connu (et le plus recherché) du monde, Oussama Ben Laden.
L’auteur débute son livre en faisant part de sa déception de n’avoir pu rencontrer le Saoudien dans le cadre de son investigation, mais compense largement cette lacune par ses nombreux contacts, qui lui permettent de retracer, de manière chronologique, le cheminement de ce terroriste planétaire.
Certaines idées admises sont ainsi nuancées. Par exemple, fausse est la perception d’un tournant radical dans la vie d’un jeune Ben Laden s’amusant dans les boîtes suisses avant de verser dans le radicalisme religieux. Oussama a plutôt démontré, dès son jeune âge, à défaut d’une intelligence vive, un penchant marqué pour la religiosité « hard ». Et sa cible première n’est pas tant les États-Unis riches et arrogants, mais son Arabie natale, dont il pourfend les dirigeants au train de vie indécent, alliés aux « croisés ». S’il réussit, en Amérique, avec les attentats du 11 septembre, son meilleur « coup », c’est qu’il voulait faire sentir aux États-Unis « l’amertume de la défaite et de l’humiliation qu’eux-mêmes avaient si souvent infligés aux musulmans depuis quatre siècles de déclin islamique et d’affirmation occidentale ».
Un des apports les plus intéressants de l’ouvrage, outre de rapporter avec force détails les pérégrinations de Ben Laden, que ce soit au Soudan ou dans les collines sinueuses de l’Afghanistan, est de faire la lumière sur les méandres du financement de ce djihad mondial, avec ses ramifications allant des banques de Dubaï aux ONG installées en Arabie ou aux États-Unis. On obtient des dates, des noms, des lieux. Bref, du journalisme d’enquête porté à ses sommets.