Un premier titre chez Leméac, une jeune auteure belle comme le jour. On pourrait être sceptique. Ou jaloux, tiens. Car aurait-on encore affaire à une comète, un petit phénomène comme un autre, une énième raison de bâiller en lisant les clichés empilés par les pseudo-critiques littéraires – les mots « prometteur », « découverte » et le sentencieux « à surveiller » ?
Non, il n’y a pas lieu de s’insurger. Mais certes une raison d’acheter, de lire, d’offrir. Que le marché du livre se flétrisse (c’est peut-être faux) ou qu’il se métamorphose (c’est certainement vrai) n’y change rien : il faut célébrer nos auteurs d’ici, et surtout quand une nouvelle voix s’élève, une voix douce et discrète, mais avec ce petit quelque chose qui manque souvent. Un quelque chose qu’on appellera tantôt style, tantôt originalité, tantôt joyeuse maladresse, tantôt vivacité gluante, tantôt précieuse impertinence, tantôt grise délicatesse.
D’abord, ce n’est pas un roman. Peut-être un conte. Un conte noir, et pas tout à fait drôle mais grinçant, et érotique, et où l’on mélange beauté, douleur et mystère, comme un trio eau/vagues/écume. Une écume suintante, de l’écume-bave, qui vient friser le village-empestant. Le village-plein-de-mouches. Depuis qu’on a vu La grande séduction au cinéma, on s’éprend des hameaux lointains, mais la bouteille de romantisme se fracasse en dix pages. En exergue on trouve Anne Hébert et Charles Perrault, mais il y aurait plus : mettez ces deux-là dans une bouteille (vous en avez recollé les morceaux depuis la dernière phrase), et coincez-y aussi un des frères Grimm, et l’oreille d’un Fred Pellerin. Saupoudrez de flocons de Süskind. Ou d’un truc macabre au choix. Brassez. Attention, ça peut péter.
C’est amoral et cruel. Comme un remix déroutant (et dégoûtant, et bien écrit) du « Petit chaperon rouge ». Qui est pris au piège, et quel est le piège, vraiment ? De belles trouvailles, et l’on ne s’ennuie pas un instant.
Chouette que des éditeurs d’ici osent encore publier des plaquettes littéraires. La maquette de celle-ci, avec les petites illustrations de l’auteure, est d’autant plus réussie.