Agnès Gruda ne déçoit pas ses lecteurs avec Onze petites trahisons, son premier recueil de nouvelles. Tout en finesse, intelligent et tendre, sans complaisance, le livre de la rigoureuse journaliste fait mouche. Son saut dans la fiction nous ravit.
Gruda est une observatrice impitoyable, conteuse-née, dotée de cette capacité de synthèse indispensable à qui veut écrire des nouvelles. Ses petites trahisons sont les petites veuleries que nous connaissons bien, hélas, et dont nous nous rendons tous coupables, un jour ou l’autre.
Par jalousie parfois, comme dans « L’attente », drame réaliste qui se joue entre un frère et une sœur au soir de la vie de leur mère. « Moi, je suis celle qui observe les autres. Jamais celle que l’on voit. » Ou encore par lâche négligence, comme dans « Des nouvelles de la haine », récit d’une journaliste de guerre, lors des conflits de 1992-1995, en ex-Yougoslavie. Comme plusieurs, la protagoniste a cherché « à comprendre les raisons qui avaient fait basculer la Yougoslavie dans une rage meurtrière ». Des années plus tard, une lettre retrouvée lui rappelle la promesse faite jadis de s’occuper du rapatriement au Canada d’un adolescent serbo-musulman. Promesse par ailleurs jamais tenue. « Ça ne sert à rien de remuer le passé », conclut-elle avec désinvolture en jetant la lettre retrouvée dans un carton qu’elle ne rouvrira jamais.
Qui ou quoi peut-on trahir? La parole donnée, un idéal ou un ami. Par paresse, par égoïsme, par nonchalance ou pire par indifférence. L’auteure fait un habile et courageux tour d’horizon de ces tristes constats, qu’elle campe bien dans la réalité du Québec d’aujourd’hui. Même lorsqu’elle élargit son terrain de jeux et nous amène vers d’autres pays. Ou lorsque, avec finesse, elle introduit dans une histoire les problématiques d’intégration des Néo-Québécois.
Gruda a été finaliste aux Prix du Gouverneur général 2010, en fort bonne compagnie d’ailleurs, en plus de remporter le prix Adrienne-Choquette 2011. On ne peut que la féliciter.