Le sixième recueil de Jean-Paul Beaumier Et si on avait un autre chien ? raconte quelques brefs moments dans la vie quotidienne d’un citoyen lambda, par ailleurs observateur attentif et narrateur avisé.
En une vingtaine de courtes nouvelles, l’auteur décrit un univers souvent heureux, parfois monotone, mais qui peut aussi être hanté par les drames ou les malédictions, comme dans « Nuit sans lune » : « Une fois de plus, la mer les avait rejetés avec les damnés de la terre. Les passeurs étaient déjà loin, en quête de nouvelles proies ».
Chacune de ces tranches de vie s’inspire – ou du moins pourrait-on le croire – d’une pensée mise en exergue : Kafka et la justice, Kundera et les problèmes domestiques, Gabrielle Roy et le rivage d’un lac ou encore Borges et la bibliothèque. Sauf lors de douloureuses exceptions, les journées s’écoulent paisiblement et s’ils ne sont pas euphoriques, les protagonistes semblent satisfaits de leur existence. « Un palmier, deux personnages à l’avant-plan, un homme et une femme, et, derrière eux, de petits bungalows alignés le long d’une rue bordée d’arbres. » On croirait lire la description d’un tableau de l’Américain Edward Hopper, où le calme apparent des personnages est pourtant empreint d’une tristesse due aux inéluctables contrariétés de l’existence.
Il est vrai que la tranquillité ne devient intéressante que si elle est rompue, comme l’eau a besoin que sa surface soit à l’occasion ridée pour mieux respirer. C’est ainsi que la journée sera trop chaude pour être parfaite, que le travail artistique de l’étudiante sera trop exemplaire et elle-même trop séduisante, ou qu’une idée géniale s’avérera en fait plutôt banale. Et puis, il y a ce chien, joliment nommé Utopie, qui passe et repasse en joyeuse compagnie d’enfants. « Il fallait voir les gens se retourner dans la rue lorsque nous l’appelions : Utopie ! Au pied ! »
Jean-Paul Beaumier explore ainsi les relations que tissent les êtres humains tout au long de leur vie, avec fougue, sagesse, ennui ou mélancolie. La tendresse que l’écrivain déploie, alliée à un sens mordant de l’ironie, raconte avec finesse des existences tourmentées. Le secret du livre réside sans doute dans cet équilibre émotif instable que l’auteur propose ou dans sa façon bien personnelle de plonger dans « l’insoutenable légèreté de l’être » chère à Kundera.
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