Racontée par l’une des meilleures plumes de la littérature américaine, voici l’histoire d’un septuagénaire qui décide de mettre fin à des décennies de mensonges et de secrets.
La scène qu’imagine Banks se déroule à Montréal le 1er avril 2018. Cancéreux, le célèbre documentariste d’origine américaine Leonard Fife, qui avait contribué avec son film Dans la brume à révéler les expérimentations à l’agent orange menées à Gagetown durant la guerre du Viêtnam, se prépare à accorder sa dernière entrevue à la télévision nationale. Entouré d’obscurité (une technique qu’il a souvent utilisée dans ses films pour susciter les confidences), il tient à ce que sa femme Emma soit présente. Celle-ci jure qu’elle sait tout ce qu’il y a à savoir, mais Fife insiste : elle doit l’écouter jusqu’à la fin. Or, au lieu de répondre aux questions de l’intervieweur, le documentariste décide d’évoquer sa jeunesse américaine (ce n’est qu’en 1968, pour éviter la conscription, qu’il avait cherché refuge au Canada). Sous l’œil de la caméra, il insiste notamment sur ses unions passées : son premier mariage, à 19 ans, avec Amy, et la naissance de leur fille Heidi, qu’il abandonnera toutes deux ; son second mariage six ans plus tard avec la fille de riches industriels, Alicia, leur fils Cornel, leur projet d’acheter une maison au Vermont et son refus de prendre la direction de l’entreprise familiale. Il évoque aussi sa relation distante avec ses parents, l’abandon de ses études ainsi que son escapade, à la Kérouac, en compagnie de son ami Nick Dafina à bord de l’Oldsmobile du père de ce dernier. Rapidement, certains détails donnent à penser que le vieillard invente ou confond les souvenirs. Soigné par Renée, son infirmière privée, et troublé par Sloane, une stagiaire rousse de 22 ans, Fife constate que la mort a déjà pris possession de lui.
Récit d’un temps retrouvé où l’on croise avec bonheur les figures de Bob Dylan et de Joan Baez, ce treizième roman de Banks aborde avec maestria la question des intermittences de la mémoire.