Plume agile, stratège effervescent, Jean-François Lisée se joint aux nombreux auteurs, historiens ou politologues qui ont récemment revisité les légendes et les coulisses du second référendum québécois. Du fait de ses contacts privilégiés avec Jacques Parizeau et Lucien Bouchard, Lisée apporte à ce réexamen une compétence particulière, même si son recueil reproduit des textes déjà répandus.
L’auteur effectue son survol avec rigueur et même avec une neutralité rarement prise en défaut. S’il vante les efforts du Directeur général des élections pour analyser le rejet d’un nombre anormal de bulletins de vote dans telle circonscription, il se dissocie de ceux qui imputent la défaite du OUI aux fournées massives de citoyens instantanés. S’il aime mettre en lumière ses propositions personnelles murmurées à l’oreille du pouvoir, il avoue tout de même que les commissions régionales sur l’avenir du Québec ont abouti à ce que Shakespeare décrirait comme Much Ado About Nothing. Il écrit : « […] j’ai donc proposé de créer dans chaque région du Québec », puis : « Il y a cependant une chose que les commissions n’ont pas accomplie : propulser le OUI dans l’opinion publique ». Paternité avouée est à demi pardonnée…
Lisée explique son rôle dans le virage survenu vers la fin de la campagne référendaire de 1995 : « Notre projet, du moins le mien et celui de Jean Royer, donc les deux principaux conseillers du premier ministre sur cette question, consistait à réintroduire la notion d’association en passant par une commission parlementaire ». Ce changement et l’arrivée de Lucien Bouchard redonnèrent de la vigueur au OUI. On peut cependant s’interroger sur la conclusion que tire alors Lisée : « Avec le recul, on peut estimer que la crise provoquée par le virage et le rétablissement effectué par la suite fut le scénario le plus porteur pour la souveraineté ». Porteur pour le OUI, assurément, mais s’agissait-il encore de souveraineté ?
Le verdict de Lisée sur la fameuse phrase de Parizeau au soir de la défaite du OUI en 1995 ? « Une énorme demi-bêtise. » Pour quel motif ? « En aucun cas et dans aucun scénario le succès du OUI ne pouvait reposer sur une part significative de votes des communautés culturelles. » Cela est patent, mais cela disculpe-t-il le monolithisme traditionnel de ces communautés en faveur du fédéralisme de toute responsabilité dans l’échec du OUI ? Monolithisme prévisible, mais qui a fait sentir son poids. Dès lors, le propos de Parizeau ne soulignait-il pas, gauchement peut-être, un fait tangible ?
Omission de taille, Lisée n’explique nulle part ce qui l’autorisait à espérer du Canada anglais une quelconque association.
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OCTOBRE 1995
TOUS LES ESPOIRS, TOUS LES CHAGRINS
- Québec Amérique,
- 2015,
- Montréal
206 pages
19,95 $
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