Encadré par un cycle de saisons symbolique qui va du « Printemps » à l’« Hiver », Obscènes tendresses est un récit épistolaire où une femme, depuis l’Amérique où elle est revenue, adresse, sur un espace temporel d’environ trois ans et demi, 27 lettres à l’homme qu’elle aime, demeuré par-delà l’Atlantique. Au début de la relation, il y a « équilibre des forces » et partage de « frémissements » : « Très cher et bel amour mon été ma fontaine mon directeur d’inconscience mon soleil ma lampe merveilleuse mon éden, ta lettre, jubilante, extraordinaire, merveilleuse et folle… elle dort toutes les nuits avec moi sous mon oreiller », écrit par exemple l’amoureuse dans un lyrisme emporté qui ne s’embarrasse pas des « virgules, points et autres bornes au langage du cœur » et dans un flot verbal qui emprunte souvent la voie de longues pages sans paragraphes. Pareillement, le destinataire lui retourne « des lettres tendues d’amour », qui ne sont pas livrées dans le récit, mais qui donnent à l’aimée « plus d’énergie que toutes les ampoules de vitamines et de ginseng » : « […] ta lettre est là, […] avec toute ta personne, toute ton âme clamante, tout ton corps si vivant si vivant et comme toi elle éclate de passions incalculables, quand j’ai ouvert l’enveloppe ta lettre s’est mise à débouler des mots sans fin sans trêve sans respiration ».
Très tôt, cependant, avant même la fin du « Printemps », « tout [est] fini », doit constater la femme « cataclysmée », alors réduite à « un état difficile à décrire » : des « différends » sont survenus et tous deux ont « dû [se] séparer ». Quoique « rejetée », elle maintient une correspondance à sens unique, passant du « tu » (en « Été ») au « vous » (en « Automne »), puis à nouveau au « tu » (en « Hiver ») et continue de s’endormir en pensée « dans [son] dos […] dans une obscène tendresse ». L’homme, devenu « indifférent », ne s’intéresse plus à elle que par « curiosité ».
Le ton poétique dont sont tissues les lettres d’Obscènes tendresses devrait plaire aux amateurs d’échanges amoureux où il n’y a pas de place pour les regrets et pas davantage pour un « nouvel amour » puisque le premier « [a] tout eu ».