Un roman prophétique sur le monde de demain, nous annonce la quatrième de couverture. Au moment où une énième conférence mondiale sur le climat vient de prendre fin à Glasgow, force est de constater que la prophétie annoncée n’a rien d’encourageant : tandis que les émissaires des pays réunis s’enfargent dans les virgules, le niveau des mers et des océans continue de monter.
Ce constat, connu et répété jusqu’à plus soif, a sans doute été le déclencheur du roman de Lydia Millet, titulaire d’une maîtrise en politiques environnementales de l’Université Duke, en Caroline du Nord. Finaliste au National Book Award, son dernier roman, Nous vivions dans un pays d’été, a été classé parmi les dix meilleurs livres de l’année selon le New York Times. Résumons le propos. Une douzaine d’adolescents, d’âges variés, sont réunis avec leurs parents dans une grande maison de vacances au bord d’un lac. Tout en feignant d’ignorer qui est le parent de qui, afin de démontrer leur indépendance vis-à-vis de ces derniers, les jeunes sont laissés à eux-mêmes tandis que les adultes se comportent de manière totalement irresponsable, dans une torpeur où se mêlent alcool, drogue et sexe. Mais voilà que les bulletins météorologiques annoncent une tempête. Les présumés adultes doivent dessoûler, barricader les fenêtres et se mettre à l’abri. L’état dans lequel ils baignent n’est toutefois guère propice à assurer leur sécurité, la leur comme celle de leurs enfants. Ceux-ci, entraînés par Eve, la narratrice, prendront donc les choses en main pour éviter que le pire ne se produise, voire que la situation n’empire. Le roman repose en grande partie sur le renversement de situation et de perspective : il appartient aux enfants de sauver les adultes.
La romancière, que le sujet interpelle, cherche à secouer notre torpeur, voire notre apathie collective devant les défis climatiques auxquels on ne peut se soustraire. Le roman est ici porté par une thèse, par une urgence d’agir en empruntant la voie de la fiction. Mais il ne suffit pas à garantir à lui seul la qualité littéraire qu’on est en droit d’attendre d’un ouvrage de fiction. Comme pour les conférences mondiales, les intentions de départ, assurément élevées, ne se concluent pas à la hauteur espérée. La faute incombe, en grande partie, à la traduction qui nous est offerte. Le roman, qui se déroule aux États-Unis, comporte de nombreux dialogues et ils nous sont livrés par le filtre d’une traduction française qui nous fait davantage sourire que souscrire aux propos des protagonistes. À preuve, cette réplique au moment où deux groupes d’adolescents se croisent au début du roman : « Les mecs ! Votre feu déchire ! J’ai de la beuh. Ça intéresse quelqu’un ? ». Difficile, dans ces conditions, de poursuivre sans que l’envie d’accélérer notre lecture se fasse pour de bonnes raisons. Le fait qu’il s’agisse d’un roman à thèse – les adultes ont démissionné de leurs responsabilités au regard de la sauvegarde de notre planète et il appartient aux enfants, héros du présent roman, de réparer les dégâts – n’est sans doute pas totalement étranger à l’intérêt mitigé qui s’installe au fil des pages. Bref, nous sommes loin ici de l’habileté à raconter une histoire qui nous paraisse crédible et nous porte à réfléchir sur notre comportement comme sait le faire, par exemple, un écrivain de la trempe d’Amin Maalouf dans Le premier siècle après Béatrice.