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NUIT BLANCHE

Avec ce roman de 1952, les éditions Joëlle Losfeld poursuivent la publication des inédits et des introuvables de Jean Meckert (1910-1995), mieux connu sous son pseudonyme d’auteur de polars à la « Série Noire », Jean Amila. Tout comme Justice est faite (1954), réédité simultanément, Nous sommes tous des assassins est la novélisation d’un film d’André Cayatte et de Charles Spaak. Le récit porte sur les derniers jours d’un condamné. Pendant l’Occupation, René Le Guen a agi comme tueur pour le compte d’un groupe de résistants mené par le douteux capitaine Bayard. Tout aurait pu s’arrêter là. Or, mal inspiré, Le Guen a commis trois autres meurtres après la guerre, dont celui d’un policier. Le roman le suit pendant les quelques semaines où il attend l’issue de son recours en grâce. La narration ressasse ses souvenirs et ses réflexions, en alternance avec les histoires de Michel (« son petit frangin »), de Me Arnaud, l’avocat qui tente de le faire gracier, de même que divers compagnons de cellule, tel le docteur Dutoit, accusé du meurtre de sa femme. En résulte un poignant plaidoyer contre la peine de mort, qui fait beaucoup plus appel à la connaissance du cœur humain qu’à la sympathie. René Le Guen n’est effectivement pas présenté sous un jour aussi favorable que Claude Gueux, le condamné dans le récit éponyme de Victor Hugo.

Certes, Nous sommes tous des assassins n’a pas la force des romans antérieurs de Meckert, tel l’excellent L’homme au marteau (1941 ; J. Losfeld, 2006), ni même le maître livre Les coups (1941), pas encore réédité chez Joëlle Losfeld, sans doute parce qu’il est toujours offert dans la collection « Folio » de Gallimard. N’empêche, ce texte s’inscrit efficacement dans la lignée des récits abolitionnistes de Victor Hugo, tel Le dernier jour d’un condamné (1829). De plus, il exploite ce qui fait la valeur et l’originalité de Meckert : l’abîme d’incommunicabilité et de violence dans lequel s’enfoncent de pauvres bougres qui, malgré leurs crimes ou leurs égarements, ne sont pas foncièrement de mauvais diables. En cette année où une thèse de doctorat, à Lille, est consacrée à l’œuvre de Jean Meckert/Amila, on constatera que l’initiative de Stéfanie Delestré et Hervé Delouche (les artisans de la réédition) porte fruit. Justice est faite.

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