Il était grand temps qu’un éditeur français fasse entrer Edmundo Paz Soldán dans son catalogue. Ce romancier et nouvelliste né en Bolivie en 1967, et installé aux États-Unis où il enseigne la littérature hispanophone à l’Université Cornell, compte à son actif une œuvre abondante et primée : dix romans et neuf recueils de nouvelles depuis 1990. Lauréat du prestigieux prix Juan Rulfo en 1997 pour sa nouvelle « Dochera » et du Prix national du livre de Bolivie en 2002 pour son roman El delirio de Turing, Paz Soldán allie la complexité de la construction narrative (façon Bolaño et Vargas Llosa) au réalisme cru d’un Bret Easton Ellis ou d’un Cormac McCarthy.
Norte – « le nord » en espagnol – fait référence aux États-Unis vus depuis l’Amérique latine. Ce roman, le neuvième que signe Paz Soldán depuis Días de papel (1992), entrelace les destins de trois (voire quatre) Latino-Américains. Les deux premiers ont véritablement existé : l’un d’eux, Jesús, est inspiré du meurtrier mexicain Ángel Leoncio Reyes Reséndiz (1959-2006), surnommé « le Railroad Killer ». L’autre, un schizophrène catatonique devenu l’un des grands maîtres de l’art brut, est le peintre Martín Ramírez (1895-1963), qui a passé une grande partie de sa vie en institution psychiatrique. Ensuite, il y a Michelle, étudiante bolivienne qui vit à Landslide (localité fictive qui rappelle Austin) et travaille à un roman graphique sur les zombis. À travers ses yeux, on observe la déchéance progressive de Fabián, universitaire tourmenté avec lequel elle entretient une liaison décevante. Outre ces trois protagonistes, le roman de Paz Soldán retrace dans une moindre mesure le point de vue du sergent Rafael Fernandez, le Texas ranger qui est parvenu à écrouer le Railroad Killer.
Paz Soldán promène habilement son lecteur du Texas à la Californie et au nord du Mexique entre les années 1930 et 2000. La fluidité du récit fait rapidement oublier la complexité du dispositif narratif. Les trois principaux récits s’alternent avant de converger subtilement à la fin du livre. Plus violente et aboutie que les deux autres, la trame concernant le tueur Jesús a tout pour continuer de hanter le lecteur une fois ce magistral roman refermé.
NORTE
- Gallimard,
- 2014,
- Paris
337 pages
47,95 $
Trad. de l’espagnol par Robert Amutio
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