Incursion dans le monde des dépendances. Portraits saisis sur le vif des Fantasio, Cendrillon, Spock, Skippy, Pinotteset de dizaines d’autres qui s’amènent au Répit-Toxico du centre-ville de Montréal.
Souvent crasseux et les vêtements en lambeaux, l’estomac et les poches vides, ils viennent se refaire un brin de dignité. Le réseau public leur offre de 24 à 48 heures de répit, pour se laver, manger, dormir et, si le fruit est mûr, obtenir une des rares cartes magiques pour être admis à l’étage en désintox. D’autres ne viennent y chercher que seringues propres et liasses de condoms.
Olivier est à l’accueil derrière une vitre pare-balles, mais qui ne bloque pas les odeurs… C’est lui qui raconte. Il les connaît. Il connaît leur histoire, la nature de leurs blessures. Lui, le narrateur et auteur de ces récits, a occupé ce poste d’intervenant en dépendance pendant dix ans après avoir obtenu un baccalauréat en criminologie. Même s’il lui arrive d’avoir peur, on dirait qu’il les aime ces intoxiqués, désaxés, SDF, ces laissés-pour-compte que l’on ne veut pas voir. Il les écoute, leur parle simplement, avec humour à l’occasion. Il sait faire respecter les règles avec fermeté. Il les prend comme ils sont, même s’il est conscient que peu réussiront à s’extirper de cette machine infernale de la dépendance.
Olivier Sylvestre est connu comme dramaturge, car aussi détenteur d’un diplôme en écriture dramatique de l’École nationale de théâtre du Canada. Il a remporté le prix Gratien-Gélinas avec sa première pièce, La beauté du monde. Il était en résidence à l’étranger pour écrire une pièce quand, pour se réchauffer, il a fait des exercices d’écriture qui son devenus Noms fictifs,une quarantaine de récits de vie condensés sous forme de poèmes en prose aux titres évocateurs, où s’entrecroisent la narration et les paroles des personnages recréés sous un nom d’emprunt. Des polices de caractères spécifiques permettent au lecteur de distinguer la narration, les réflexions du narrateur et les paroles des personnages.
Une narration empreinte d’empathie, sans apitoiement ni jugement, et des paroles, monologues et dialogues puisant à tous les registres de langue donnent à l’ensemble une tonalité juste et bien assortie au propos. Olivier Sylvestre n’aura pas écrit de pièce lors de sa résidence en France, mais aura réussi une première œuvre narrative marquante en redonnant un visage humain à des êtres emprisonnés dans les mailles de leur dépendance.