Dans un des textes de ce collectif, Martine Delvaux rappelle l’entrevue de Nelly Arcan à Tout le monde en parle en 2007 en soulignant les efforts faits par les animateurs pour « rabattre le réel sur la fiction de façon à amener l’écrivaine à parler d’elle au lieu de parler du texte, à parler en tant qu’elle-même plutôt qu’en tant qu’écrivaine ».
Le choix de la photographie illustrant la couverture n’est d’ailleurs pas anodin : sobre, à bonne distance des photographies glamour qui circulent toujours lorsqu’il est question de l’écrivaine, cette image casse l’aura médiatique de Nelly Arcan pour en revenir à l’analyse littéraire.
Les textes réunis dans cet ouvrage s’intéressent à divers sujets : certains auxquels on l’associe spontanément (obsession de la beauté, sexualité, relations avec la mère, aliénation des femmes, etc.), mais d’autres aspects comme les masques, la monstruosité ou la relation d’Arcan avec le féminisme.
Une des idées les plus importantes qui traversent l’ouvrage permet sans doute de répondre à ce dernier enjeu, comme d’ailleurs à bien des réticences qui persistent à propos de l’auteure : il y a les propos tenus par les narratrices d’Arcan, mais il y a surtout l’écriture et ce n’est pas rendre hommage au travail de l’écrivaine que de s’arrêter toujours au premier degré du discours des personnages. Comme l’écrit Karine Rosso, « [e]n dépit du fait qu’Arcan reprenne des figures archaïques qui se déclinent dans plusieurs schémas inconscients […], elle insiste aussi et surtout sur la façon dont ces schémas sont construits ». Ainsi, s’il est vrai qu’une lecture qui s’arrêterait aux idées portées par les narratrices de ses livres pourrait conclure à une simple reproduction des pressions subies par les femmes, c’est dans l’écriture que l’émancipation s’opère. Plusieurs textes du collectif permettent d’y voir plus clair à cet égard.
Évidemment, un tel ouvrage n’est pas nécessairement conçu pour être lu d’un couvert à l’autre. Si on s’y risque, comme je l’ai fait, on pourra avoir à un moment une impression de redite. L’œuvre de l’écrivaine reste mince en raison de sa mort prématurée (cinq ouvrages avec le recueil posthume Burqa de chair, six si l’on inclut le texte jeunesse L’enfant dans le miroir). Ce sont donc souvent les mêmes scènes qui sont résumées et les mêmes citations emblématiques qui illustrent le propos. Mais cette réserve doit être considérée, tout au plus, comme un conseil de lecture.
En somme, ce livre remplit un objectif important en nous redonnant une puissante envie de lire Nelly Arcan, l’écrivaine.
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