Rappelons que Biz, membre du groupe Loco Locas, a remporté en 2015 le prix France-Québec pour son troisième roman, Mort-terrain (Leméac, 2014). Son quatrième, Naufrage, raconte la descente aux enfers de Frédérick Limoges. Homme heureux en amour et père comblé après avoir cru son couple inapte à enfanter, Frédérick occupe un emploi stable et bien rémunéré, travail qu’il accomplit consciencieusement, sûr d’être utile à la société. Mais voilà : la réduction des finances de l’État entraîne la fusion de deux ministères ; Frédérick, étant le dernier engagé dans son département, est muté aux Archives, en réalité… sur une tablette ! Tabletté à 39 ans, Frédérick se sent profondément atteint dans sa dignité et porte un regard cynique et méprisant sur ses collègues des Archives qui, comme lui, sont payés à ne rien faire. Jusqu’au jour où il fomente le projet de dénoncer ce scandale. Son esprit tout occupé à la réalisation de son idée lui fera commettre une bévue aux conséquences tragiques. Cette fois, il est atteint au tréfonds de son être. Un véritable tsunami ! Arrivera-t-il à redonner un sens à sa vie ?
Avec Naufrage, Biz imagine ce sur quoi les médias ne s’attardent pas lorsqu’ils rapportent des faits divers, des plus bizarres aux plus tragiques. Il entre par la fiction dans la vie privée de son personnage déstabilisé, le suit dans ses démarches et, comme pour accentuer le lourd poids du présent, le fait aussi imaginer, roman dans le roman, un futur sans la « bévue » du jour J. L’histoire inspirée de l’actualité locale est plausible et bien ficelée.
Biz connaît bien sa langue, sait jouer avec différents registres, aime les mots, la culture classique. Ça se voit. Mais il y a un hic : une fâcheuse tendance à la logorrhée, sans doute héritée du rap, qui crée une distance et agace. De fréquentes amplifications, des métaphores et comparaisons inappropriées, des détails superflus évoquent, à mon humble avis, le style des humoristes à gogo. Des exemples : « le bass drum emballé de mon cœur » ; « La panique montait en moi avec la rapidité de la marée au Mont-Saint-Michel » ; « Patrice s’est précipité sur moi comme le virus Ebola » ; « Dans sa couchette, [bébé] Nestor était recroquevillé […], comme les corps pétrifiés dans la lave de Pompéi ». Ainsi à chaque page. Isolées, ces images pourraient passer presque inaperçues, mais leur accumulation gêne, confère au style un ton qui convient mal à une œuvre littéraire. Naufrage m’apparaît comme un roman dont l’écriture aurait gagné à être retravaillée.
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