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Mode lecture zen

NUIT BLANCHE

Cet ouvrage incomparable du géographe Luc Bureau fait suite à son excellent Pays et mensonges (Boréal, 1999). Tout comme le livre précédent, Mots d’ailleurs réunit des extraits de récits de voyage, des articles, des lettres et d’autres documents anciens dans lesquels des auteurs avaient au passage décrit ou commenté le Québec, ses paysages ou sa population, surtout au XIXe siècle. Parmi les 33 auteurs présentés ici se trouvent le poète américain Walt Whitman, le romancier Albert Camus, le sociologue Raymond Aron, le géographe français Élisée Reclus qui parlait en 1889 des « eaux vertes » du Saint-Laurent, près de Québec. Chacun tente de décrire le Québec d’après ses premières impressions et le lecteur d’aujourd’hui pourra s’amuser des comparaisons réductrices qui y sont faites et de tout ce qu’un visiteur étranger pouvait projeter de beau ou de faux sur les réalités du Québec d’autrefois, souvent après seulement quelques jours de visite !

On ne saurait trouver dans cette somme d’impressions sommaires la vérité révélée dans toute son objectivité ou un juste portrait du Québec de l’époque. Au contraire : chargés de préjugés et d’idéalisations, ces propos nous révèlent l’esprit colonial de plusieurs visiteurs et beaucoup de stéréotypes, d’extrapolations. Ainsi, le philosophe Friedrich Engels prévoyait en 1888 l’annexion prochaine du Canada par les États-Unis ; mais hélas ! pour le réputé théoricien du marxisme, cette prédiction approximative ne fut pas la pire de ses erreurs.

Pourquoi alors lire ces Mots d’ailleurs ? Précisément pour la somme d’impressions, de descriptions, d’observations utilisées dans des raisonnements, des conclusions hâtives, des visions plus ou moins exactes qui ont néanmoins contribué à la constitution d’une certaine image du Québec, qui prévaudrait encore de nos jours. Dans ses deux derniers livres, Luc Bureau a réussi à initier ce qui pourrait devenir un courant d’études original en géographie culturelle, sur les représentations de l’autre par les écrits de voyage. Souhaitons que s’ajoute une troisième partie à cet exercice stimulant et révélateur.

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