Que voilà une belle idée ! Et un résultat tout aussi réussi ! Avec Montréal, à l’encre de tes lieux, la journaliste Florence Meney nous propose une toute nouvelle exploration de la métropole et, du même souffle, une incursion dans l’univers littéraire de vingt écrivains du Québec et de l’étranger. Ces rencontres fascinantes avec les Stéphane Bourguignon, Chrystine Brouillet, Michel Tremblay, Kathy Reichs et autres Suzanne Jacob ou Jean-François Chassay nous permettent en effet, en plus de nous offrir un regard différent sur Montréal, d’entrevoir le travail souterrain de l’écriture, ce qui sous-tend la création, ce qui l’incite à se déployer.
Les entrevues, réalisées par Florence Meney et transposées sous forme de textes, s’articulent donc autour du choix d’un lieu et de ce qu’il représente pour l’auteur. Parfois, ce lieu aura servi de déclencheur, tel le carré Saint-Louis pour Dany Laferrière ou la tour de l’horloge devant le fleuve pour Aline Apostolska. D’autres fois, il s’impose comme un réservoir infini d’images, de scènes, d’émotions inspirantes, comme la station de métro Berri-UQAM pour Yves Beauchemin ou la gare de la ville de Mont-Royal pour Stéphane Bourguignon. D’autres fois encore, il s’inscrit dans les souvenirs d’enfance qui ont façonné l’être à l’exemple du Dairy Queen de Michel Rabagliati ou du Da Giovanni de Bryan Perro et ont pu même s’immiscer en douce dans l’œuvre littéraire, tels le Monument-National de Michel Tremblay ou le Quartier chinois de Claude Jasmin. Pour certains, comme Kathy Reichs au pub Hurley’s, l’endroit de prédilection de l’écrivaine et celui de son personnage se confondent. Pour d’autres enfin, tels Élisabeth Vonarburg à la station centrale d’autobus, Chrystine Brouillet au parc La Fontaine ou Marc Lévy à la terrasse de l’Hôtel Place D’Armes dans le Vieux-Montréal, le lieu choisi marque un rapport particulier avec Montréal. Réparties en quatre chapitres thématiques ‘ « Ancrage », « Mouvement », « Repères » et « Ailleurs » ‘, ces rencontres sont truffées de courts textes d’information sur l’histoire du lieu en question, d’extraits ou de brèves présentations de titres signés par l’un des vingt auteurs et accompagnées par les superbes photos de Luc Lavigne.
Des points faibles ? Avec ses entrevues passionnantes, ses magnifiques photographies chargées de sens et son élégante facture éditoriale, Montréal, à l’encre de tes lieux séduira un large public de lecteurs, d’amoureux de la métropole et de voyageurs francophones qui voient dans la littérature un moyen privilégié d’appréhender un pays à découvrir. On appréciera également le parti pris de Florence Meney de présenter un éventail aussi large : on y côtoie tout autant des créateurs de bandes dessinées que des romanciers populaires en passant par des auteurs de polars ou de science-fiction, des poètes et des écrivains au style plus exigeant. On pourrait néanmoins interroger les pages dédiées à Jean d’Ormesson et à Anne Robillard dont les propos apparaissent beaucoup moins bien liés à la thématique du livre. On regrettera certaines inégalités dans la qualité ‘ deux fois le mot attachante dans une seule phrase en exergue sur la bande dessinée Magasin général de Tripp et Loisel ‘ ou le contenu des présentations des écrivains à la suite des entrevues de même que des redondances au cœur même des textes et le choix discutable de ne présenter que des bibliographies partielles en toute fin de livre. Mais ce ne sont là que de bien légers bémols Peut-on ajouter qu’on espérerait un Montréal, à l’encre de tes lieux, Tome II ?