Biographie romancée, ou « roman biographique » comme le dit l’auteur en sous-titre, Monsieur Olivier tient plus de l’hommage d’un descendant respectueux à son ancêtre que de ce que le préfacier Jacques Lacoursière qualifie de « roman historique » : l’histoire prend le pas sur l’œuvre romanesque, et celle-ci éclot difficilement sous le poids des intérêts primordiaux d’un biographe à forte tendance hagiographique.
Une fois ces précisions apportées, il faut admettre que le lecteur découvre avec plaisir un acteur méconnu de l’histoire canadienne ; car Olivier Le Tardif a été tour à tour secrétaire et interprète de Champlain, navigateur au long cours, commis général de la Compagnie des Cent-Associés, procureur de la Nouvelle-France, juge prévôt et coseigneur de la seigneurie de la Côte de Beaupré et fondateur du village de Château-Richer. Cet homme à rôles multiples a été ainsi mêlé de près à l’administration et au développement de son pays d’adoption. Président-fondateur de l’Association des familles Tardif d’Amérique, Marc-André Tardif laisse de son ancêtre un portrait où se déploient ses qualités d’époux, de père, de « truchement » (i. e. interprète) et de gestionnaire. Nul élément négatif ne vient ternir le tableau si ce n’est la mention de la triple progéniture naturelle indienne qui commandait à l’intéressé la plus grande discrétion dans la société des Blancs.
L’auteur utilise l’artifice du récit de cette vie par Rémy de la Porte, personnage sans doute fictif dont le « Prologue » dit qu’il fut pendant 25 ans le secrétaire particulier et l’homme à tout faire d’Olivier Le Tardif. La Porte raconte l’enfance de son maître à Étables et sa formation de marin, en Bretagne, ses premières expériences canadiennes, à treize ans, son apprentissage de la vie nomade chez les autochtones, ses nombreux déplacements en France et en Nouvelle-France et ses activités de magasinier, d’administrateur et de seigneur, jusqu’à sa mort à Château-Richer, en 1665. Le texte convoque au passage quantité de figures bien connues de même que certains faits marquants de notre histoire, notamment la capitulation de Québec aux mains des frères Kirke et la constante menace iroquoise.
Le narrateur tient aussi un rôle d’informateur, au sens ethnographique du terme, lorsqu’il énumère les attributions du seigneur, décrit de nombreuses mœurs et coutumes indiennes, évoque le lucratif commerce des fourrures… Sa langue ne souffre par ailleurs pas d’un excès d’élégance, loin de là : outre qu’elle n’évite pas toujours les répétitions trop rapprochées et qu’elle n’écarte pas les clichés (v. g. « le majestueux Saint-Laurent », le « manteau blanc » de l’hiver, le « tapis » de feuilles de la forêt), elle donne dans l’ordinaire avec de courtes phrases généralement régies par la structure sujet-verbe-complément. Les historiens trouveront sans doute leur compte dans ce « roman », les amateurs de littérature beaucoup moins.