L’autobiographie de Marc Chagall (1887-1985) avait souvent été rééditée en France, mais cette nouvelle traduction par Chantal Ringuet et Pierre Anctil se base plutôt sur le tapuscrit daté de 1925 et, de ce fait, ajoute quelques passages plus intimes qui avaient été écartés de la traduction française précédente de Bella Chagall, largement diffusée sous le titre de Ma vie (Stock, 1931).
Le peintre y évoque amplement ses souvenirs d’enfance aux environs de Vitebsk : l’isolement de sa Biélorussie natale, ses premiers cours d’art, ses amitiés, sa pauvreté constante jusqu’à la rencontre déterminante de ses protecteurs, son mariage conforme à la tradition, ou encore son emprisonnement arbitraire à Saint-Pétersbourg, simplement parce qu’il n’avait pas donné de « pourboire » à un officier de police !
Chagall a écrit ce livre à 38 ans, alors qu’il était déjà célèbre en Europe, mais sans savoir à quel point il allait marquer son siècle. Sa famille empreinte de traditions juives y occupe une place centrale, et Chagall romance leurs moindres propos. Par exemple au moment de quitter sa patrie pour s’établir à Paris, sa mère le supplia : « Mon enfant, nous sommes tes parents. Écris-nous plus souvent. N’hésite pas à nous demander quelque chose ». En ce qui concerne son art, il résume son style en quelques mots très imagés : « Je me retourne et je vois ma peinture, où les personnages sont hors d’eux-mêmes ». On songe alors à ce tableau célèbre, « La Promenade », daté de 1917, où un personnage féminin s’envole (voir la reproduction dans l’encart non paginé). Avec précision, Chagall décrit des rêves à l’origine de ses tableaux, comme « L’apparition » : « Tout est noir. Soudain, le plafond s’ouvre et, dans un vacarme blanc, une espèce de créature ailée descend ; elle remplit la pièce de mouvements et de nuages ».
Ce livre unique agrémenté de huit illustrations permet de se plonger dans l’intimité de cet artiste sensible. Pour une biographie complète, le lecteur devra chercher ailleurs puisque Chagall n’a pas mis à jour son autobiographie au cours du demi-siècle ayant suivi sa rédaction, c’est-à-dire durant sa période la plus créatrice. C’est le seul reproche que l’on pourrait lui adresser.
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