L’auteure écrit pour le plaisir d’écrire, pour le partage, pour dire au monde, à « son » monde ce qu’il en est de la vie. D’un livre à l’autre, que ce soit un roman, un conte, une pièce ou un essai, elle reprend inlassablement les fibres de sa langue pour les transformer en une douce, tendre lumière.
Si elle n’a pas eu d’enfants, elle a créé, donné naissance à une multitude de personnages. Elle lègue à certains d’entre eux une part de son œuvre : la Sagouine hérite du Pays qui porte son nom, Jeanne de Valois, de sa plume, et Mariaagélas, d’un prochain conte… Mais plus que tout, elle lègue son œuvre à la vie, à son peuple, ce peuple acadien qu’elle aime et qui est la source même de son inspiration. Ce petit livre est un acte d’amour, ni plus, ni moins. Il n’apporte pas grand-chose au grand œuvre, mais il l’enrichit, un peu comme les enluminures dans un livre ou les sculptures qui embellissent les édifices.
Son legs se répartit en onze « articles » (pour reprendre la façon dont elle a titré les courts chapitres) et chacun est consacré à un personnage ou à un groupe d’entre eux, tant elle en a créé et parce qu’elle voudrait tous les inclure. Ceux qu’elle a choisis sont autant de marqueurs de son parcours littéraire et si elle ne les nomme pas tous (tâche impossible dans un si court essai), je suis persuadé que derrière ses choix, les autres se faufilent.
Les personnages retenus offrent un tour d’horizon de ceux et celles qu’elle estime le plus : la Sagouine, Pélagie et Jeanne de Valois, évidemment, en tête de liste ; Madame Perfecta, son principal personnage non acadien ; Rien, Pierre Bleu, Don l’Orignal, Mariaagélas, ceux et celles du Huitième jour et des Cordes-de-Bois ; et Radi qui la ramène à elle-même, puisqu’elle est l’incarnation de son enfance.
Le codicille s’adresse à tous ses lecteurs, tant ceux qui l’accompagnent depuis 1958 que ceux qui l’ont découverte plus tardivement, ou qui la rencontrent aujourd’hui en cette heure de bilan et qui l’incitent à rendre un (dernier ?) hommage à Rabelais dans la phrase finale du livre : « Je me sens toujours fidèle à mon maître jusqu’à lui emprunter, le cas échéant, son mot de la fin, non pas confiné dans son œuvre, mais articulé sur son lit de mort : Je m’en vais chercher un grand Peut-Être ».
Demeure la beauté de sa langue, la fluidité de sa parole, son sens de l’image et sa façon si particulière de donner « vie » aux êtres imaginaires ou inspirés de la réalité qui l’habitent et qui l’ont aidée à répondre aux questions fondamentales qu’elle s’est posées : « Qui suis-je ? D’où viens-je ? Où vis-je ? Où vais-je ? ».
Avec Fais confiance à la mer, elle te portera (2010) et Clin d’œil au Temps qui passe (2019), Antonine complète (peut-être, on ne sait jamais avec elle) une trilogie dans laquelle sa vie et ses personnages s’entremêlent pour le plus grand plaisir du lecteur.