Pierre Berthiaume est sans conteste un passionné chevronné de l’histoire et de l’écriture du passé québécois, canadien et américain : il a déjà publié à ce sujet, notamment, deux éditions critiques dans la collection « Bibliothèque du Nouveau Monde ». Le spécialiste nous offre aujourd’hui, à la même enseigne, le seul mémoire que l’histoire ait conservé parmi les nombreux qu’a rédigés l’explorateur Nicolas Perrot. Arrivé en Nouvelle-France vers 1660 et décédé à Bécancour le 13 août 1717, âgé de 74 ans, ce dernier fut tout à la fois soldat, coureur de bois, interprète, médiateur…
Dans une « Introduction » méticuleuse et documentée, Pierre Berthiaume décrit la « Vie d’un traitant au XVIIe siècle » en mettant à profit toutes les études parues sur Nicolas Perrot et les nombreuses sources documentaires provenant de fonds d’archives, de récits de voyages, de journaux, de correspondances et d’histoires du Canada, dont celles de Bacqueville de La Potherie et du père François-Xavier de Charlevoix : tous deux, incidemment, parmi d’autres, ont puisé à volonté dans l’œuvre de Nicolas Perrot. Le texte même du mémoire est ensuite établi de façon minutieuse par l’éditeur critique, qui multiplie les notes infrapaginales et dont le travail compétent est marqué au coin de la prudence. Puisque la phrase de Nicolas Perrot est volontiers équivoque, obscure, voire contradictoire, et que l’auteur produit peu de points de repère chronologiques, Pierre Berthiaume compare en les citant abondamment des documents d’archives et des propos de contemporains. Revivent ainsi sous nos yeux les usages des diverses tribus, clans et sous-groupes autochtones et leurs rapports avec les Européens : c’est-à-dire les mSurs familiales, matrimoniales, funéraires et guerrières des Amérindiens, leurs croyances religieuses, leurs déplacements, leurs méthodes de chasse et de pêche, de même que les tractations, alliances et trahisons, les rivalités commerciales des Français, l’administration de la justice, les expéditions punitives… Le tout est éclairé par une série de dix-neuf « Appendices » fort pertinents et suivi par des notices biographiques fouillées sur les personnages nommés et sur les nations amérindiennes convoquées, de même que par une « Bibliographie » consciencieuse et un « Index » aussi volumineux que judicieux.
Un travail exemplaire, en un mot, qui s’ajoute à ceux qui ont déjà été consacrés aux Gabriel Sagard, Louis-Armand de Loin d’Arce Lahontan et autres Chrestien Leclercq.