Des femmes, des enfants, beaucoup de chats. Et des hommes : qui pénètrent, qui étranglent. Ou des hommes aimés qui disparaissent. Les amateurs de nouvelles québécoises contemporaines connaissent Suzanne Myre et son monde d’urbains solitaires. Depuis J’ai de mauvaises nouvelles pour vous paru en 2001, la prolifique auteure a remporté le prix Adrienne-Choquette en 2004 avec Nouvelles d’autres mères et a été encensée pour la vivacité de sa corrosive écriture. En 2007, elle nous offrait son cinquième recueil, Mises à mort.
Un recueil qui porte bien son titre : les personnages en habitant les pages se meurent, amers qu’ils sont tous de se laisser décevoir par un monde trop léché, trop calculé, illusoire. Puisque ce que la vie leur offre ne suffit pas pour panser le vide du désabusement, leur répartie est prompte. La dérision. Ils se moquent des choses et des autres comme ils se moquent de vivre. La pilule est plus facile à avaler enrobée d’ironie. Myre écrit le suicide, le meurtre, le deuil, sans la lourde exploration des affres du mal-être humain. Être seul au monde, d’accord, mais ce n’est pas une raison pour ne pas rire.
Myre joue, d’ailleurs, avec le sens et le son des mots. Voyez ces titres : « Cellules en l’air » qui coiffe le récit d’une femme grièvement blessée par un cycliste occupé à parler au téléphone cellulaire, « Point de salut » pour l’histoire de Léa, incapable de trouver son point G, « Mona se terre » qui raconte la fuite de Mona dans un monastère. En une phrase, voire en un mot, Myre construit l’humour qui lui est propre : qui d’autre aurait nommé le chien saucisse de « Vile Ville » Hygrade ?
Mises à mort n’est pas étranger à l’univers des précédentes nouvelles de l’auteure. Dans un quartier s’apparentant au Plateau Mont-Royal, des abandonnés et des asociaux sont menés à des fins abruptes ou nébuleuses. Ils refusent le monde en le raillant, se blessent à l’amour, ne se trouvent plus, et se retrouvent sans réponse.