Comme plusieurs, nous aurions préféré ne pas aimer Millénium 4, Ce qui ne me tue pas de David Lagercrantz, journaliste et biographe suédois. Il est vrai que la guerre de succession entre la compagne de 32 ans de Stieg Larsson et ses héritiers légaux nous a laissé un goût amer en bouche. L’héritage de l’auteur de la série culte, décédé brusquement à 50 ans, est plus que substantiel, avec 80 millions d’exemplaires vendus dans le monde. Un calcul rapide des bénéfices engendrés par un quatrième tome sème le doute sur les intentions de l’éditeur et met la table pour une autre discussion : est-il légitime d’assurer la continuité de l’œuvre d’un artiste disparu qui n’aurait pas laissé de directives claires à ce sujet, comme Hergé ou Agatha Christie ont pu le faire ?
Au-delà de cette lutte entre les tenants d’écoles de pensée différentes et même opposées, il faut avouer que Lagercrantz a fait du beau travail. Les fidèles des livres et films Millénium retrouvent avec plaisir les attachants et déjantés personnages de la saga originale. Une folle aventure où geeks, hackers et petits génies de la NSA américaine se taillent la part du lion. Si Lisbeth Salander se retrouve comme un poisson dans l’eau dans ce monde d’intelligence artificielle et d’ordinateurs quantiques, le lecteur, quant à lui, peut être parfois désorienté par tous ces termes et concepts techniques. WikiLeaks, Julian Assange et Edward Snowden sont ici plus présents que jamais.
Le thriller se déroule entre Stockholm, comme d’habitude, la Russie et les États-Unis, et en une trentaine de jours l’aventure est terminée. C’est dire à quel point tout va vite. Si cette suite – qui n’en est pas vraiment une – permet de se replonger dans l’atmosphère de la série, il manque ce petit quelque chose qui nous empêchait jadis de fermer le livre avant de l’avoir terminé. Ou presque. Trop d’actions et pas assez de fine psychologie, la spécialité de Larsson, peut-être ? La justicière Lisbeth défend moins vigoureusement ses principes égalitaires et féministes, tandis que Mikael Blomkvist se laisse trop guider par son côté chevaleresque, mais ce sont bien eux, ces personnages que nous aimons tant, quoiqu’un peu plus désincarnés. De plus, le petit garçon autiste, personnage central de ce quatrième tome, est infiniment attachant. Par contre, l’entrée en scène de Camilla, la méchante jumelle de Lisbeth à peine esquissée dans la trilogie, ne convainc pas vraiment.
Emprunté à Nietzsche dans Le crépuscule des idoles (1888), la formule « Ce qui ne me tue pas me rend plus fort » peut autant s’adresser à la cyberpunk tatouée Lisbeth, bien entendu, qu’à August, l’enfant surdoué si malmené par la vie.
Lit-on ou ne lit-on pas ce Millénium 4 ? À chacun ses principes, mais force est de constater que le thriller est joliment ficelé.
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