Si cette traduction de Murder in the Dark (1983) porte ici la mention « inédit », c’est qu’elle paraît pour la première fois en France. Au Québec, le recueil avait déjà été publié en 1987 par les éditions du Remue-Ménage. C’est d’ailleurs cette traduction signée Hélène Filion que reprend Robert Laffont.
En 1983, Atwood avait quelques romans à son actif – mais pas encore La servante écarlate, qui date de 1985 –, ainsi que quelques essais. Or, c’est surtout la poésie qui l’avait tenue occupée jusque-là (quatorze volumes depuis 1961). Six ans après Dancing girls (1977), toujours inédit en français, Meurtre dans la nuit est son deuxième recueil de nouvelles. L’ouvrage est composé de 27 textes, la plupart assez courts (deux ou trois pages en moyenne). Les lecteurs seront ravis d’y retrouver l’acuité du regard et la douce ironie qui font la marque de l’écrivaine torontoise.
Certains textes relatent des souvenirs personnels, comme « Autobiographie », qui retrace le plus ancien paysage aperçu, ou « Fabriquer du poison », qui raconte l’amusement éprouvé par l’autrice et son frère, enfants, lorsqu’ils mélangeaient crapauds, souris mortes, baies de sorbier et urine pour en tirer une substance toxique. « Fabriquer du poison est aussi amusant que de faire un gâteau », déclare-t-elle. Que ce soit dans le grenier bric-à-brac de son grand-père, où une montagne de romans westerns voisinaient avec un mannequin en fil de fer fabriqué à partir du corps de sa grand-mère, ou dans les bandes dessinées d’épouvante qu’elle chipait à douze ans dans des pharmacies avec son amie C., Atwood nous amène aux sources de son imaginaire. Le récit éponyme, « Meurtre dans la nuit », du nom d’un jeu, traduit bien le plaisir éprouvé à ourdir, dans le noir, un crime fictif. D’autres textes sont proches de l’essai, comme « Les romans pour femmes », qui offre une réflexion en sept points sur ce qui distingue les romans selon le sexe auquel ils se destinent (les choses ont tout de même changé depuis). « Heureux dénouements » est un exercice de style à la Queneau : Atwood y schématise six fins possibles pour une même histoire d’amour. Les plus intéressantes sont évidemment les plus compliquées.