Nous dépendons des hommes. Hérodote en est le premier témoin, Ryszard Kapu[ciDski, un représentant moderne. Le reportage est le genre littéraire le plus collectif. Hérodote ne s’en doutait peut-être pas, reste que son objectif en témoigne : écrire des Histoires et parcourir des kilomètres pour comprendre et dire les peuples de la Grèce ancienne. Kapuscinski n’a pas à démontrer ses talents journalistiques, lui qui a été aux premières loges des grands événements marquants du XXe siècle. Entre Hérodote et Kapuscinski, une continuité philosophique et littéraire s’est créée. Hérodote a été le meilleur compagnon de voyage et de souvenirs pour Kapuscinski qui semble avoir traîné les célèbres Histoires sur les terrains où l’actualité du « siècle court » faisait rage. Ainsi Hérodote a fait plusieurs fois le tour du monde. D’hier à presque aujourd’hui. C’est, en ce sens, un reporter qui, à plusieurs siècles d’intervalle, s’offre une entrevue avec un journaliste dont le nom est solidement accroché aux petites tablettes de l’Académie suédoise. Mais c’est à Kapuscinski qu’il revient de nous inviter à ce va-et-vient temporel et spatial entre la Grèce antique, Hérodote et notre présent.
Si l’on n’y prend garde, les rapprochements entre les deux hommes sont multiples, au point que la thèse sous-jacente du livre de Kapuscinski, c’est de considérer Hérodote comme le précurseur d’Albert Londres, le type de l’homme-voyage qui veut connaître le monde et ses habitants pour mieux les décrire sans jamais exagérer, en prenant les précautions journalistiques d’usage « d’après des témoins de bonne foi ». Par l’entremise d’Hérodote, le célèbre journaliste tente de percer le mystère du reportage et l’auteur grec est une référence incontournable.
Les écrits du Grec ont aidé le Polonais dans les moments d’incertitude et de désarroi. Il revenait à l’homme de l’Est de le souligner, lui qui nous livre une belle épopée et quelques notices biographiques sur Hérodote sans jamais se fourvoyer dans la biographie. Ce livre tient la route grâce aux libertés éditoriales du journaliste qui, comme Hérodote, est un habitant des confins d’un pays, né à la croisée des destinées donc des chemins. Cette matrice met au monde des hommes qui grandissent dans des cultures différentes. Ces sangs divers ouvrent au monde, à une présence à l’autre, transfusés par des concepts tels que la frontière, la distance, la différence, la diversité.
Donc la richesse.
La qualité du dire de quelqu’un est tributaire de sa relation à autrui donc de la langue commune (langage des signes, langage des mots et autres) utilisée. Pour mieux saisir le mystère d’un auteur, d’un pays, de son univers, il faut accéder à la connaissance de sa langue ; sans elle, le monde est impénétrable et incompréhensible.