Jacques Dubreuil a 53 ans. Il est dans l’unité de soins palliatifs d’un hôpital, souffrant d’un cancer du cerveau. Il se confie à Madeleine, une travailleuse sociale qui accompagne les patients dans leurs derniers moments. Ses confidences forment les Mémoires d’un homme inutile, ce qu’il affirme être.
Plutôt que de se faire soigner et de tenter de gagner un ou deux ans au lieu des six mois qu’on lui donne, Dubreuil choisit de tout vendre et de partir en voiture sans savoir où, et sans avertir personne. Il aboutit en ce début du mois de mai dans un petit village gaspésien et s’installe dans un chalet. Mais cette fuite le conduit à un cul-de-sac : fuyant sa vie, il espérait peut-être fuir sa mort. Le calme des lieux et sa beauté sauvage (son chalet est situé sur un cap à l’écart du village) l’amèneront à écrire ses mémoires et ce faisant à dresser le bilan de sa vie. Étudiant plutôt brillant, il a sombré dans la médiocrité au ministère des Finances, où il exerçait le métier de comptable. Divorcé, il ne garde de sa relation avec sa femme que la mémoire de ses infidélités et la naissance de sa fille dont il s’est peu occupé. Une vie « inutile » qu’il apprendra à regarder autrement.
Découpé en huit rencontres avec Madeleine, le récit se partage entre confidences de vive voix et « lecture » des mémoires. Chaque chapitre des mémoires tourne autour d’un thème, sans que cela suive la chronologie de la vie du personnage. Au rappel de ce que fut son existence se greffe son expérience dans le village, en particulier sa relation avec Eugénie, la jeune caissière de l’épicerie qui lui rappelle sa fille, et la leçon de vie que lui donne sans en avoir l’air le vieux barbier. Lentement, il reconfigure ce qu’il a été.
Ses rencontres avec Madeleine finiront de le pacifier face à lui-même. Il en retire « une étrange sensation d’apaisement, de légèreté ». Sentant sa fin imminente, il écrit une longue lettre à sa fille qui lui permet de faire aussi la paix avec la personne qu’il a sans doute le plus aimée, même s’il lui a fallu une vie pour comprendre ce qu’il en était : « Quelque part, à mon insu, dans ma longue trajectoire, j’ai perdu pied. Au fil de ces pages, que chaque nuit je prenais plaisir à noircir, j’ai fini par comprendre qu’un homme n’entend pas sa propre chute ». Cette lettre clôt l’œuvre et on comprend qu’il est mort en paix, six mois après le diagnostic.
Camilien Roy a l’âge de son personnage et travaille comme conseiller en orientation auprès d’adultes. Son expertise colore Dubreuil. Si au début Dubreuil est agaçant dans sa façon de se rabaisser, lentement, il s’ouvre à Madeleine et en se racontant, recoud les retailles de sa vie, un peu comme on crée une courtepointe. Cet homme inutile devient dès lors un homme ordinaire qui manie l’humour à l’occasion et nous livre un récit riche en réflexions.
ESPACE PUBLICITAIRE
DERNIERS NUMÉROS
DERNIERS COMMENTAIRES DE LECTURE
Loading...