L’écriture de Michel Folco est rocambolesque, truffée d’images fortes, farcie de mots inusités. Particulièrement déconcertante, elle ne peut laisser indifférent : on la déteste cordialement ou on en savoure la macabre insolence. Même le mal se fait bien est son quatrième roman, aussi irrévérencieux, cruel et immoral que les autres. L’essentiel de l’action se passe à la charnière des XIXe et XXe siècles et l’intrigue exploite de façon ironique l’engouement pour les sciences qui caractérise cette époque.
Marcello Tricotin, instituteur peinard, néglige sa classe et sa famille pour consacrer le meilleur de son temps à son élevage d’insectes. À cause des caprices du testament de son père, un médecin hypocondriaque rongé de remords, Marcello doit quitter son paisible village du nord de l’Italie pour se mettre sur la piste d’un demi-frère dont il ignorait jusque-là l’existence. Quand il l’aura retrouvé, ou qu’il ramènera la preuve de son décès, il pourra alors toucher la totalité d’un coquet héritage. Après bien des atermoiements qui mettent sa belle-famille et le village en émoi, Marcello entreprend à contrecœur un périple qui le conduira en Autriche. Il découvre que l’appartement où son père a vécu à Vienne est habité par un médecin qui soigne ses patients par l’interprétation de leurs rêves et croise un jeune garçon nommé Adolph, le futur Hitler, élevé par un père brutal qui ne s’est jamais remis du rejet qu’il avait lui-même subi. Marcello fait également face aux aberrations de la sexualité humaine, à la faveur d’un séjour dans un bordel dont il se découvre le propriétaire.
Cette triviale thématique psychanalytique est par ailleurs subtilement renforcée par le travail sur sa personnalité que le voyage permet au protagoniste : il vaincra sa timidité et apprendra à prendre ses propres décisions. Pour y arriver, le pauvre devra cependant subir une série d’accidents et de catastrophes qui lui feront souffrir mille morts et finiront par le persuader qu’il est invincible. Il devra d’ailleurs s’affirmer pour contrecarrer les plans d’une belle-famille cupide. Ce faisant, il s’aliénera tout le village, dont il devra essuyer la mesquine vengeance. Résolu et dorénavant aguerri, Marcello aura toutefois le dernier mot.
Il est vrai que la somme laisse paraître quelques fils narratifs un peu lâches et que certains épisodes semblent gratuits. Qu’à cela ne tienne puisqu’on aura compris que l’écriture de Michel Folco se distingue avant tout par son insolence.