Dans ce premier roman, Katherine Raymond – qui poursuit présentement des études en psychiatrie – propose une parole acérée sur le monde de la médecine psychiatrique, mais aussi sur les diverses aliénations qui caractérisent le rapport des femmes occidentales à leur corps et à leurs rôles. Autofiction ? La similitude entre les noms de l’auteure et de la narratrice le laisse croire.
On pense bien entendu à Nelly Arcan, qui est d’ailleurs évoquée au passage, mais il ne faut pas croire au pastiche. Le style se rapproche un peu de Folle : au lieu d’une lettre de suicide destinée à l’amant perdu, il s’agit d’une narration à la deuxième personne qui s’adresse à la mère suicidée. Et si cette question du rapport mère-fille était essentielle chez Arcan, la lecture qu’en propose Katherine Raymond se présente un peu comme un complément.
La mère, ici, n’est pas une larve comme chez Arcan : elle est belle. La fille, elle, devient le réceptacle de ses ambitions. À défaut d’être belle, elle sera brillante et autonome. Parmi les meilleures pages du livre, cet exercice infini de comparaison entre les deux femmes qui témoigne de tant d’aliénations accumulées. Si plusieurs des convictions de la narratrice perturbent, dont cette idée que c’est surtout la blondeur qui définit la beauté, elles deviennent au fil du texte les traces d’obsessions dont on sait bien qu’elles sont collectives.
De cette relation fusionnelle, la fille héritera donc, parce qu’insuffisamment jolie étant jeune, du rêve professionnel de sa mère : devenir médecin. Interne en psychiatrie, pourra-t-elle se pardonner de n’avoir pas saisi la détresse de sa mère, de ne pas avoir su l’empêcher de se suicider ? Le chemin sera difficile : Katherine deviendra elle-même patiente après avoir tenté de suivre les traces de sa mère. Le travail de témoignage de cette période psychiatrique, y compris les perceptions altérées par la médication, est très réussi.
Si le texte pèche parfois par abus de densité, l’émotion est rendez-vous. Certains passages sont même oppressants. Mais surtout, les questions soulevées quant à notre capacité, individuelle et collective, à faire face à la souffrance humaine vous habiteront longtemps.
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