Voilà un livre qu’on ne peut ouvrir qu’avec respect. Dans ce roman furieux et ciselé, Maxime Mongeon nous parle plus d’états d’esprit que d’événements, et il le fait parce qu’il sait être attentif à l’intériorité – et qu’y a-t-il d’autre, au fond, que la vie intérieure ? Le regret de ne pas avoir su créer et préserver un contact réel avec son fils, la colère contre le père qui détermine tout un choix de vie, si destructeur soit-il, le malaise de n’avoir encore jamais connu l’envoûtement de la chair à 20 ans, la culpabilité d’avoir provoqué un accident fatal par un jeu d’enfant, le désir de toucher un corps de femme, le désabusement devant les corps de prostituées de Bangkok, la satisfaction d’avoir enfin trouvé un amour qui ne se résume pas au corps mais qui l’intègre au plus profond de l’être
Ces sentiments occupent l’esprit, le corps et les pensées des quelques personnages de Maxime Mongeau, Québécois plus ou moins exilés à La Havane, en Thaïlande ou à Vancouver, qui ont entre eux un certain lien que l’auteur ne nous dévoilera que graduellement. Leurs expériences nous sont livrées pêle-mêle, à l’image du tsunami qui s’en vient et qui ne respectera rien de l’ordre dérisoire que les humains ont absurdement tenté d’instaurer dans leur vie.
Tout cela s’exprime dans une langue littéraire achevée et un style très personnel On n’en doute pas une seconde : dans le tourbillon de ses écrits tsunamiques, Maxime Mongeau choisit ses mots un par un, avec amour, sur une palette d’une richesse exquise qui semble toujours lui offrir les mots exacts pour exprimer non seulement les sentiments, mais aussi les scènes et les événements. « La matinée parée de ses guipures de soleil promettait un jour majestueux, sans sournoiseries, alors que sous la mer deux plaques tectoniques s’affrontaient comme des titans obstinés, percutées l’une contre l’autre depuis des milliers d’années, générant autour d’elles des cavalcades de tensions furieuses. »
Une écriture tellement dense qu’on peut difficilement en lire bien des pages à la fois. Mais qu’à cela ne tienne : le cœur aussi ne peut vivre qu’une seconde à la fois, et c’est bien assez