« Si vous avez l’occasion d’acheter ce produit, veuillez je vous prie faire suivre cette lettre à l’Organisation mondiale des droits humains. Des milliers de personnes ici qui sont sous la persicution [sic] du gouvernement du Parti communiste chinois vous remercieront et se souviendront de vous pour toujours. »
Il est difficile de résumer en quelques lignes toute l’émotion suscitée par un livre comme Made in China. D’un côté, c’est un ouvrage de grande qualité, qui se lit d’un trait ; de l’autre, c’est un sujet bouleversant, qui demande parfois que l’on interrompe notre lecture pour prendre le temps d’assimiler l’ampleur de ce que l’on est en train de constater.
Made in China résume le travail d’enquête de la journaliste Amelia Pang, alors qu’elle tente de mettre en lumière les conditions entourant le laogai, le réseau des camps de travail en Chine. En 2012, à Portland, en Oregon, Julie Keith trouve une lettre d’appel à l’aide dans des décorations d’Halloween qu’elle a achetées deux ans auparavant. Pang entreprend alors de nous raconter l’histoire de l’auteur de cette lettre, Sun Yi, un ancien étudiant surdoué détenu dans le camp de Masanjia en raison de ses convictions religieuses. Entremêlant des passages romancés, écrits grâce aux nombreux entretiens entre l’autrice et Sun Yi, des faits historiques et des éléments tirés d’études scientifiques, Made in China se lit à la fois comme une enquête et un roman, aucune des perspectives ne primant sur l’autre. Sans faire de son livre un ouvrage moralisateur, Amelia Pang réussit tout de même à livrer un puissant message, puisqu’il faudrait être particulièrement insensible pour lire Made in China et ne pas remettre en question nos propres comportements de consommation. Car s’il y a bien quelque chose que le livre rend clair, c’est que nous sommes tous concernés par la situation entourant les camps de travail en Chine. En effet, les habitudes de consommation des sociétés occidentales font partie du discours central du livre : notre obsession à avoir toujours plus, toujours plus neuf, toujours plus vite et, surtout, à prix toujours plus abordable force la main aux entreprises manufacturières, qui doivent ensuite recourir à des stratagèmes illégaux pour réussir à tirer profit de leurs ententes avec les marques.
Difficile d’affirmer que Made in China est une lecture agréable. Les témoignages qui racontent les mauvais traitements subis dans le laogai sont bouleversants, rappelant les récits des survivants des camps de concentration de l’Allemagne nazie. Mais il n’y a aucun doute que c’est un ouvrage nécessaire qui, comme l’explique l’épilogue, a le pouvoir de mener à de grands changements.