Peu connu, le personnage mérite pourtant l’attention et même davantage. Entre autres exploits, on lui doit la création et l’essaimage de la Société Saint-Jean-Baptiste, de même que le choix du 24 juin comme fête des francophones d’Amérique du Nord. En obtenant ces consensus alors que les nationalistes de l’époque divergeaient à propos de presque tout, Ludger Duvernay s’est taillé la réputation d’un homme de conciliation. Ce n’est pourtant qu’une facette de sa personnalité et peut-être pas la plus représentative.
Malgré une formation écourtée, Duvernay laisse sa marque dans le journalisme, soit qu’il crée ses propres publications, soit qu’il prend la direction d’un journal existant, comme ce fut le cas à La Minerve. Entêté, toujours prêt à se battre en duel, acharné à exiger ce qui lui est dû, il réussit pourtant, quand il s’y met, à réconcilier les rivaux les moins souples et à susciter les confidences des plus casaniers. Il saura tout des complots les moins aérés et dosera toujours ses révélations. Il écrit d’abondance, consacrant des heures à telle lettre confidentielle et fournissant aux journaux qui l’hébergent des chroniques déployées sur huit ou dix semaines. Georges Aubin et Jonathan Lemire dressent de lui un portrait nuancé, à égale distance du panégyrique et de la démolition.
En choisissant un titre qui n’évoque que la correspondance de Duvernay en exil, les auteurs sous-estiment leur apport. Des 300 pages du bouquin, un tiers établit la biographie de Duvernay. Quelque 75 autres pages reproduisent non des lettres de Duvernay, mais celles qu’il reçut pendant les quatre ans et demi de son exil aux États-Unis. Les lettres de Duvernay, ainsi mises en contexte, en deviennent d’interprétation plus aisée. Par touches successives et complémentaires, elles retouchent le profil d’un personnage complexe. Assez actif pour que l’exil s’impose, assez discret pour préserver les secrets des Frères chasseurs, à la fois proche et distant de Papineau, Duvernay prétend laisser de côté les thèmes qui, comme la religion, ne déboucheront jamais sur l’unanimité. Il signale pourtant que les curés de la Nouvelle-Angleterre logent dans des maisons de pension et éprouvent moins que d’autres le besoin de presbytères coûteux… Il devient ambivalent à l’égard de l’exode de ses contemporains vers les filatures états-uniennes : il aime voir les jeunes fuir la domination anglaise, mais redoute la saignée démographique.
Aubin et Lemire n’ont pas la prétention d’écrire une biographie de Duvernay, il leur suffit d’en réduire finement les zones d’ombre.
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